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Patrick Rambaud démonte Macron

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Dans « Emmanuel Le Magnifique », l’ancien d’Actuel, équipé d’un humour décapant, rayonne.

 

Patrick Rambaud. Photo : J.F. Paga.

L’arrivée au pouvoir de l’indéfendable Emmanuel Macron aura au moins eu le mérite de provoquer la publication de deux livres – hostiles! – de très grande qualité: celui de François Ruffin, Ce pays que tu ne connais pas (éd. Les Arènes; dont nous avions déjà rendu compte dans nos colonnes) et celui de Patrick Rambaud, Emmanuel Le Magnifique (éd. Grasset). Hostile au tout-puissant Amiénois, Emmanuel Le Magnifique? C’est peu dire et on est en droit de se demander s’il eût pu en être autrement. Cela ne l’empêche pas d’être drôle. Très drôle. Pas étonnant de la part de Patrick Rambaud, ancien d’Actuel, copain du regretté Jean-François Bizot, puis pasticheur-snipeur en compagnie de son cousin, le tout aussi regretté et hilarant Michel-Antoine Burnier (leurs cibles favorites: François Mitterrand, Simone de Beauvoir, Philippe Sollers, Marguerite Duras, etc.).

François Ruffin, chez lui, à Amiens. Photo : Philippe Lacoche.

«Costume de banquier

et sceptre à la main: jeune prince

à la voix grêle.»

Cette fois, Rambaud s’attaque à celui dont le peuple de France se serait volontiers passé: Emmanuel Le Magnifique, dit le président des riches, ou celui du culte imbécile de la modernité à tout prix. (Vous pouvez remplacer ici le mot modernité par ultralibéralisme et notre phrase aura exactement le même sens.) Patrick Rambaud sonde ici les reins de l’accession sur le trône d’Emmanuel le Magnifique, son entrée dans l’Histoire, «costume de banquier et sceptre à la main: jeune prince à la voix grêle, aux régiments start-up, annonçant un monde rénové», comme indique l’éditeur en quatrième de couverture. Il ne faut pas s’en tenir là; il faut lire cet opus de A à Z. Car ce livre est bien mieux que bon: il est excellent, bourré d’informations, et surtout, surtout, terriblement drôle. On sent que son auteur a bien ri en l’écrivant tant le ton est jubilatoire. On y insiste sur le rôle fondamental de l’éducation du Magnifique par les jésuites. «Quiconque a connu l’éducation jésuite, à moins de la décrier tout de suite, en reste marqué à vie», commente Patrick. «Les jésuites étaient en même temps autoritaires et bienveillants, distants et familiers, supérieurs et humbles, ni pour ni contre mais les deux à la fois.» Rapidement entre en scène, la fort jolie et toute en blondeur Mme d’Auzière, «fille d’un confiseur des Hauts-de-France». La baronne d’Auzière «était une beauté de province telle qu’on en dénichait dans les romans, avec une frange blonde qui lui donnait un air déluré, et une charmante vulgarité que soulignaient des yeux coquins». Elle façonnera le Magnifique avec au moins autant de force que les jésuites. Quand il évoque Manette, la grand-mère du Prince, Rambaud ne peut s’empêcher d’être délicatement vachard: «L’attirance du Prince pour les vieux venait d’elle.» D’autres seconds rôles apparaissent, tous plus drôles et ridicules les uns que les autres: le duc de Lyon «qui passa des mois à emberlificoter le duc de Pau pour le mener tout rôti à son jeune maître». Les richissimes et puissants de notre bonne France (les M. Ferrand et compagnie!), «les crétins islamistes», le Buffalo Trump qualifié de «bloc de saindoux», tous en prennent pour leur grade, aspergés par l’encre au vitriol du si talentueux Patrick Rambaud. Ça fait un bien fou; on en redemande. Après avoir absorbé l’alcool fort de ces 195 pages, on n’a plus qu’une envie: enfiler son gilet jaune (comme les couvertures de Grasset!) et filer pour bloquer les ronds-points. Carrément génial. PHILIPPE LACOCHE

Emmanuel Le Magnifique, Patrick Rambaud ; Grasset ; 195 p. ; 18 €.

 

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