Les entrailles de New York, une histoire non conventionnelle et illustrée, Julie Wertz. Editions de l’Agrume, 288 p., 29 euros.
The Bridge, Comment les Roebling ont relié Brooklyn à New York, Peter J.Tomasi (scénario), Sarah Duvall (dessin), Gabriel Eltaeb et John Kalisz (couleur). Editions Kamiti, 208 pages, 22 euros.
New York fascine et parle à tous. A ceux qui y sont allés comme à ceux qui l’ont rêvé. Ces deux albums récents permettent, à leur manière, de cerner un peu mieux “Big Apple”, cette “grosse pomme et ses emblèmes, comme le fameux pont de Brooklyn, dont le New Yorkais Peter J.Tomasi a entrepris de conter l’histoire.
L’histoire d’un pont
Image iconique de la ville, il paraît en faire partie de toute éternité. Or, il n’a été pensé qu’à la fin du XIXe siècle, par une famille elle aussi assez fascinante, les Roebling. A la tête d’une fabrique de câbles, John Roebling à l’idée d’un pont suspendu entre la presqu’île de Manhattan et Brooklyn, jusqu’ici seulement reliés par ferries. Ironie de l’histoire, c’est suite à un accident de ferry à l’embarcadère qu’il est emporté par la gangrène. Son fils, Washington Roebling, qui s’est illustré pendant la Guerre de Sécession lui succède alors. Le premier “caisson” – véritable prouesse technologique qui permet d’assurer le socle du pont pendant qu’on batît la superstructure du pilier est lancé en 1870. Le pont ne sera inauguré que treize ans plus tard, après que Washington Roebling a été suppléé en partie par sa femme, Emily, ayant lui été victime de la “maladie du caisson” et des problèmes de dépressurisation.
Odyssée technique autant qu’humaine, ce chantier titanesque est contée ici de façon alerte par Peter J.Tomasi (par ailleurs auteur prolifique de comics). Le dessin de la jeune illustratrice de Seattle Sarah Duvall, tout comme la mise en couleur en applats très contrastés, sont nettement plus sommaires. Mais l’album est très intéressant dans sa vulgarisation technique de la construction d’un pont.
L’âme d’une ville
Le gros bouquin de Julie Wertz est encore plus passionnant. Amoureuse elle aussi de New York où elle séjourna pendant une décennie, prenant un grand plaisir à errer au fil des rues, avant qu’une injustice immobilière ne la contraigne à repartir sur la Côte Ouest. De cette connaissance intime elle a conçu cet objet étonnant. Comme elle le précise d’entrée avec humour: “Si vous vous attendiez à un livre historique traditionnel ou que vous cherchiez un guide des restaurants et monuments de la ville, c’est franchement pas de bol“… En revanche, si “vous en avez marre de ce genre de bouquins et que vous avez envie d’une approche un peu moins conventionnelle de cette ville, vous tenez ce qu’il vous faut“. De, fait, au fil des pages, c’est un peu l’âme de New York qui se révèle à travers des petites histoires sur le passé de la ville (de “l’avorteuse méprisée de la 5e avenue” jusqu’à l’interdiction des flippers jusqu’en 1978 ou à la recette de l’Egg Cream !) et de très nombreuses pages de dessins de divers quartiers, “pris au hasard“, tels qu’ils furent et tels qu’ils sont aujourd’hui.
Que cette déambulation débute par l’évocation des vestiges de l’expo universelle de 1964 et une focalisation sur ses curieux lampadaires est assez révélateur de l’ensemble du livre. Entre miscellanées anecdotiques et croquis d’un architecte obsessionnel. Les planches de dessins de rue sont ainsi d’une minutie quasi-photographique, parfois en pleine page en vis-à-vis, parfois l’un dessous l’autre selon la formule éprouvée des photos “avant/après”.
Ces balades urbaines se doublent parfois d’une logique thématique, avec des séries sur les librairies ou les pharmacies, à chaque fois enrichis de commentaires pointus et précis. Plus original encore, une séquence sur divers types d’appartements new-yorkais accompagnés des plans de coupe. A l’inverse de cette précision graphique, les récits ou les quelques pages de liaison où elle se met en scène sont esquissés d’un trait plus naïf, quasi enfantin, apportant comme une sorte de respiration et une touche de chaleur à l’ensemble. De quoi se sentir tous New-yorkais !
Deux jolies manières de croquer la (grosse) pomme.
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