
Ce mardi, avec treize affaires au rôle d’audience, s’annonçait pourtant comme celui du triomphe, quasi romain, de la justice sur la délinquance, du droit sur la déviance. « Si on prend tous les dossiers, on en a jusqu’à minuit », s’inquiète dès potron-minet une magistrate. D’où vient, alors, que j’écrive ces lignes dans mes pénates, alors que l’heure du Berger n’a pas encore sonné ?
Premier dossier du matin : les faits de vol sur une personne vulnérable ont eu lieu à Guise, dans l’Aisne, et la prévenue se domicilie dans le Nord. Certes, la plainte fut déposée à Péronne mais la procédure aurait dû être délocalisée soit dans l’Aisne, soit dans le Nord, mais ne surtout pas rester dans la Somme. Le tribunal est incompétent : ce n’est pas un jugement de valeur, juste un couac géographique.
Troisième affaire, et non des moindres. Un homme de 41 ans est accusé d’agressions sexuelles sur ses deux belles-filles. Il nie farouchement. Ce n’est pas un dossier facile. Tout est décortiqué, épluché. Après quatre-vingt-dix minutes, le temps suspend son vol. « Monsieur, vous n’avez jamais rencontré un psychiatre ? », demande la présidente au prévenu. « Non. » « Jamais, dans aucune des deux plaintes ? » « Non, jamais. » L’expertise psychiatrique est obligatoire dans le cadre d’affaires de mœurs, c’est la loi, c’est comme ça. Le procès est renvoyé.
L’après-midi, gros dossier : des centaines de pages consacrées aux escroqueries qu’un vendeur d’automobiles aurait commises. Trois fois déjà, le procès a été repoussé. Au point que le parquet en a profité pour coller à Christophe la responsabilité d’un délit supplémentaire. On parle alors d’un « dossier connexe ». Sauf que dans sa précipitation, le procureur a convoqué la victime… Un dimanche, le 22 septembre. Evidemment, cette citation est considérée comme nulle. Sans victime, pas d’audience. Et comment juger l’essentiel sans l’accessoire ? L’ensemble du dossier est donc renvoyé en février. Voilà, c’est fini.
« Ça fait quand même trois fois que je me déplace pour rien », râle doucement une petite dame, victime innocente. « C’est moi ou c’est le bazar, à Amiens, en ce moment ? », s’amuse un avocat. C’est pas le bazar, c’est un fiasco, maître !
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