
Ma vie est étrange. Je vous contais, à la faveur d’une précédente chronique, que mon tout premier amour, une adorable Ternoise, aujourd’hui sexagénaire, venait de reprendre contact en m’envoyant de Sms. (Nous nous étions même revus à Chauny.) Dernièrement, c’est Lou-Mary, mon ex-pacsée, ma grande Didiche, chanteuse et comédienne, qui s’est manifestée. Il est vrai, que contrairement à ma petite amoureuse de Tergnier, j’avais gardé quelques contacts avec Lou. Mais cette fois, elle effectua un rapprochement artistique notoire. Et me commanda tout de go les paroles d’une chanson. «Je suis coincée; je dois enregistrer ce week-end. J’ai la mélodie en tête mais les paroles ne viennent pas. C’est comme un challenge pour toi; il me faudrait ça pour vendredi soir au plus tard. Tu acceptes?» C’était un mercredi et il lui fallait ça pour le vendredi soir: une éternité! N’ai-je pas la réputation d’être rapide comme un lièvre quand il s’agit de faire le parolier? J’acceptais de bonne grâce, ravi tout au fond de moi-même. Cela me rappelait les prémices de nos amours. C’était un soir d’automne de 2005. Je traînais mes cernes et mon grand nez en compagnie de mon copain Philippe Van Haelst, dit Vanfi, au défunt Lucullus, l’un des bars les plus rock d’Amiens, tenu d’une main délicate par Nasser. Ma petite Léo, de 23 ans ma cadette, venait de me quitter; ma délicieuse Lady B. se trouvait dans l’impossibilité de convoler avec ma tronche de Ternois. J’errais dans Amiens, consommant spleen et solitude tel un Augustin Meaulnes sans son Yvonne de Galais; Cathie venait de partir en Grèce pour y enseigner le français. Je ne croyais plus à grand-chose. Il n’était pas loin de minuit; nous nous installâmes, Vanfi et moi. Soudain, apparut une jeune femme qui portait un jupon de tulle sur un jean moulant des fesses fort désirables. Elle se mit à chanter son répertoire et à danser. Je tombais sous le charme. Raide amoureux, le marquis! Tel un hussard, à peine eut-elle terminé son set, que je l’abordai: «J’ai beaucoup aimé votre spectacle; puis-je me permettre de vous écrire une chanson?»»

Elle me contempla, un peu désarçonnée par tant d’aplomb. D’une voix birkinienne, elle accepta. Je rentrais chez moi et, au cours de la nuit, lui écrivit «Tes yeux sur mon tulle», une histoire vécue où je racontais comment je venais la voir danser en compagnie de Nasser et comment j’avais laissé traîner mon regard de bad guy sur son tulle, son jean et pas que. Bien que très peu féministe, la chanson (que je lui envoyai par mail vers 4 heures du matin) lui plut. Elle me le fit savoir de charmante manière et me confia qu’elle l’avait déjà mise en mise en musique. Je l’invitai chez moi, dans ma tanière de Port d’Amont pour qu’elle me la fît écouter. Et je me mis à la tutoyer. Et pas que. Il me fallait donc battre mon record de rapidité. Ainsi, ce mercredi-là, je me privais de sieste et lui envoyais, trois heures plus tard, ma prose et la chanson «Adieu, coquecigrues». Une fois encore, elle voulut me faire écouter la mélodie. Je te rassure, lectrice, subjuguée, il n’était pas question de recommencer.

Nous nous fixâmes rendez-vous au concert que Vanfi, donnait, en solo, aux Enfants terribles, rue Saint-Leu, à Amiens. Lou-Mary vint, accompagnée de son ami, le très sympathique Christian, comédien et metteur en scène. Lou et moi ne manquâmes pas de bœufer avec Vanfi, comme au bon vieux temps, des Scopytones et du groupe Lady B. Lou avait même invité Nasser. On se serait cru au Lucullus, quatorze ans plus tôt.

Dimanche 20 octobre 2019.
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