Orwell, Pierre Christin (scénario), Sébastien Verdier (dessin), avec la participation d’André Juillard, Olivier Balez, Manu Larcenet, Blutch, Juanjo Guarnido, Enki Bilal. Editions Dargaud, 160 pages, 19,99 euros.
“Etonien, flic, prolo, dandy, milicien, journaliste, révolté, romancier, excentrique, socialiste, patriote, jardinier, ermite, visionnaire”. Tel était Eric Blair, plus connu sous son nom d’emprunt de George Orwell. A ces qualificatifs, il convient d’ajouter: toujours actuel, tant l’auteur de 1984 et la Ferme des Animaux est revendiqué aujourd’hui à gauche comme à droite et qui nourrit toujours l’intérêt littéraire… et graphique (ainsi du récent Château des animaux de Dorison et Delep ou d’une prochaine adaptation en bande dessinée de 1984 à paraître en début d’année prochaine aux éditions Delcourt) . Et tant son attention portée au détournement du sens du langage ou à la “common decency“, la décence populaire, s’avèrent d’une brûlante actualité.
D’où l’intérêt de cette biographie dessinée, scénarisée par un Pierre Christin qui avoue en postface avoir “discrètement suivi les traces d’Orwell“, du “delta de l’Irrawady en Birmanie jusqu’à l’île de Jura au large de l’Ecosse“, boussole aussi présente dans les anticipations politiques de l’auteur des Phalanges de l’Ordre noirs ou de Partie de Chasse.
C’est ce même chemin chronologique que suit l’ouvrage, du Bengale où est né Eric Blair jusqu’à l’Ecosse où il s’éteindra, en 1950. Entre-temps, il aura été policier en Birmanie, désargenté à Paris, milicien du POUM pendant la Guerre d’Espagne (où il affirmera son hostilité au stalinisme), socialiste engagé et fan des roses de son petit cottage.
Précis et documenté, cet Orwell en apprend beaucoup sur l’itinéraire d’Eric Blair (ne serait-ce que sur l’origine de son pseudonyme, puis dans le nom d’une rivière où il aimait pêcher), mais aussi sur son oeuvre et son style littéraire – l’album reprenant, dans une typographie distincte des extraits de ses textes.
Sébastien Verdier illustre cela d’un trait réaliste, en noir et blanc, détaillé mais sans guère d’émotion. Cette relative platitude est cependant perturbée, avec bonheur, par les interventions de quelques auteurs, tels Bilal, Guarnido ou André Juillard, qui illustrent divers passage d’écrits d’Orwell. Reflet de l’imbrication de l’homme et de son oeuvre. Et incitation, justement, à se replonger dans les différents romans et essais que cette biographie évoque au fil de ses pages.
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