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A la recherche du foulard perdu

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Michel Bussi lors du voyage de presse à Veules-les-Roses.

Ce matin-là, je m’étais levé très tôt. Cinq heures trente du matin, c’est d’une cruauté pour un homme de mon âge. Train en gare d’Amiens à 7h19. Cet effort surhumain était motivé par une raison légitime : un voyage de presse à Veules-les-Roses organisé par l’excellent Eric Talbot, et l’office du tourisme, afin de marcher dans les pas de l’écrivain Michel Bussi. Ce dernier vient de sortir en Pocket un recueil de nouvelles. La première, éponyme, s’intitule «T’en souviens-tu, mon Anaïs»; elle a pour cadre Veules. Direction Rouen-Rive droite. Brouillard sur toute la ligne. Rouen : je pense à Pierre Mac Orlan qui, au tout début du siècle précédent, déambula dans cette ville. Je l’imaginais baguenaudant sur les rives de la Seine, près des docks, dans la brume, à la recherche de son cher Fantastique social, égaré dans quelque caboulot malfalmé, trinquant jusqu’à plus soif avec des matelots aux barbes roussies empuanties par des sueurs saumâtres comme les eaux des estuaires. Il me fallut attendre le train pour Yvetot. 9h05. Le voilà qui arrive. Un Intercité comme je les aime. Une nouvelle fois : brouillard sur toute la ligne. 9h26 : Yvetot. Je pense à Annie Ernaux. Est-elle venue, comme moi, un jour de son adolescence, boire un café au Bistrot de la Gare? J’aime Annie Ernaux quand, en 2012, elle soutient Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche car, dit-elle, «il reprend une parole communiste». Je n’aime pas l’écrivain, l’auteur et le professeur de lettres Annie Ernaux se présente à tout prix comme écrivaine, auteure et professeure de lettres. Comme c’est laid! Je n’aime pas non plus quand, en septembre 2012, elle publie dans Le Monde un texte intitulé Le pamphlet fasciste de Richard Millet déshonore la littérature, signé par une centaine d’écrivains. Quand un écrivain veut envoyer un autre écrivain au bûcher, cela ne sent pas très bon. J’ai terminé mon café quand arrive Eric Talbot. Vingt minutes plus tard, nous sommes à Veules-les-Roses, en compagnie d’une théorie de journalistes et de Michel Bussi. Le brouillard s’est levé. Nous sommes devant la cressonnière locale sise aux sources du plus petit fleuve de France : 1149 mètres. En parcourant Veules-les-Roses, j’aurais pu penser à Victor Hugo qui, longtemps, y séjourna. Mais non : je pense seulement au foulard que ma mère y avait égaré dans un café au début des années 1950 lors de vacances normandes. Elle nous contait souvent ce souvenir quand elle se souvenait encore de tout, Maman. Je regardais tous les cafés. Peut-être était-ce dans celui-ci? Non, plutôt dans celui-là. Lorsque je suis allé rendre visite à ma mère, une semaine plus tard, à l’hôpital de Chauny, je n’ai pas voulu lui faire l’affront de lui demander quel était le nom du bistrot au foulard perdu, à Veules-les-Roses. Sur la petite table de sa chambre de l’hôpital, elle avait étalé une dizaine de photographies jaunies. Des photos de jeunesse. Du temps du château de Rouez, du cours ménager, des Américains, des Baltos et des chewing-gums. Un jour, je retrouverai ton foulard, ma petite Maman. Alors, je le poserai sur tes cheveux de neige, et peut-être, comme par magie, tu retrouveras la mémoire. Tu quitteras l’hôpital de Chauny; tu reviendras, pour toujours, auprès de tes chats, dans ta maison de la rue des Lutins à Tergnier.

                                          Dimanche 21 janvier 2018.

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