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«Regardez-moi ça, ce bordel! Incroyable! Ce que je peux être cossard!» Voilà ce que se dit le pauvre jardinier confiné chez lui, lorsqu’il descend prendre l’air dans son jardin et qu’il s’aventure sous l’appentis qu’il a, tant bien que mal, mis en place sous la véranda. Le pauvre gars vient de jeter un coup d’œil dégoûté sur le tas de bois qui l’encombre.
Papattes
Pas n’importe quel bois: celui dont lui a fait don son gentil voisin, Tio Guy, titulaire d’un cerisier aussi haut qu’un immeuble de la cité Roosevelt (Tergnier, Aisne). (Un building, disait-on dans les années 1960 quand l’entreprise de travaux publics Dugat commençait à les construire.) Chaque année, lorsqu’il taille le grand benêt, Guy lui balance au-dessus de leur clôture mitoyenne branches, branchettes et rondins qui font le régal de la cheminée du pauvre jardinier fainéant comme une couleuvre. Arrive alors l’instant crucial: décomplexer le pauvre jardinier. Non, il n’est pas fainéant comme un pangolin (restons dans l’actualité). S’il n’a pas rangé son bois comme il le fallait, c’est qu’il était trop occupé. Toujours à courir (après quoi?) pour gagner sa croûte; toujours pressé comme un vieil agrume par des horaires à respecter; toujours à cavaler à droite à gauche… La vie du monde moderne (celui tant aimé par notre bon chef national qui, l’autre soir, nous a répété six fois que nous étions en guerre) nous tue. Il tue surtout notre pauvre jardinier qui, lui – et de loin! – préférait le monde d’avant. Celui des vrais services publics, celui de la protection sociale, celui de la solidarité. C’était avant les ordinateurs et les applications qui servent, aujourd’hui, de contrats de travail aux gamins de la société ubérisée. Bref: confiné, notre pauvre jardinier prend son courage à deux mains et se met à ranger son bois. Il s’imagine déjà, peinard au coin du feu, à se chauffer les papattes lorsqu’il reviendra des manifestations contre la réforme des retraites. (Car si celle-ci est, pour l’instant, gelée, elle nous sera resservie toute chaude quand cet imbécile de coronavirus aura passé son chemin.) En attendant ces heures sombres, tant qu’à être confiné: rangeons le bois sous cette belle lumière, fraternelle et douce comme le regard d’Ambroise Croizat. PHILIPPE LACOCHE
L’article Confiné au jardin : range ton bois est apparu en premier sur Courrier plus.