
On a beau être un jardinier confiné, on n’en reste pas moins homme. Nous ne sommes pas qu’esprit, intelligence, intuition, raison et savoir. Nous avons aussi une bouche, un nez, une langue, un ventre. Et il nous arrive d’avoir faim. C’est vrai : au fond, on est peu de chose.
Urticant
Ce matin-là, notre jardinier confiné descendit dans son potager. Il jeta un rapide coup d’œil, puis laissa traîner un regard las vers cette pelouse trop haute qui attendait la tonte comme la brebis Phildar; ces arbres mal taillés comme des cotes; ces feuilles de radis noirs qui, depuis novembre, refusèrent de grossir et que, par pitié (ou fainéantise?), le confiné avait consenti à ce qu’ils se développassent. Inutiles. Le jardinier, alors, se rapprocha. Au final, elles n’étaient pas si mal ces feuilles de radis noirs. Pas mal du tout même. Il n’était pas loin de 11 heures; une petite faim traînaillait tout au fond de son estomac. Il se baissa, caressa la texture du feuillage légèrement urticant, frais et d’un beau vert chewing-gum Hollywood. «Pourquoi ne pas en faire une soupe?», s’interrogea-t-il. Alors qu’il était sur le point d’en arracher quelques poignées, il s’arrêtait net, se souvenant que son bac à légumes contenait une botte de mignons navets nouveaux achetés chez Biocoop juste avant le confinement. Il les savait équipés de leurs feuilles aussi fraîches que celles des radis noirs. «Commençons par là!», se dit-il. Et il se rua dans sa cuisine. Déposa deux pages du Courrier picard sur la toile cirée, s’empara d’une patate douce, d’un gros oignon rose de Roscoff, d’un pion d’ail, de trois ou quatre minuscules morceaux de piment d’Espelette et des fameuses fanes de navet. Se mit à éplucher. Il plaça le tout dans une casserole caressée d’un feu moyen. Eau, sel camarguais et poivre. Trois-quarts d’heure plus tard, il dégustait une délicieuse soupe à la fois rafraîchissante et revigorante. De quoi devenir fan de la soupe aux fanes. Philippe Lacoche
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