Notes pour une histoire de guerre, Gipi. Editions Futuropolis, 144 pages, 23 euros.
Le prix du meilleur album 2018, décerné par les journalistes et critiques de l’ACBD pour La terre des fils n’est pas forcément en lien direct avec cette réédition de ces Notes pour une histoire de guerre, premier roman graphique de Gipi. Mais cette mise à l’honneur récente de l’auteur italien vient apporter un éclairage supplémentaire et opportun sur cette première oeuvre, déjà saluée en son temps par le prix René Goscinny du scénario, le Prix du meilleur album d’Angoulême 2006 et une nomination aux Eisner Awards américains. Et, surtout, des parallèles s’établissent entre les deux livres, à douze ans de distance.
La Terre des fils contait les efforts pour survivre de deux adolescents après une catastrophe (sans doute nucléaire) ayant mis à bas la civilisation ; ici, se sont trois ados qui se trouvent plongés dans la guerre, dans un pays européen anonyme, faisant vaguement songer à l’Italie, d’après les noms des personnages ou des villages, mais aussi à l’ex-Yougoslavie, forcément.
Christian (un peu limité et qui rêve de moto), Giuliano (le plus « privilégié » des trois, qui a fait le choix de quitter sa famille, de la classe moyenne, pour vivre avec ses amis) et P’tit Kalibre (le leader et le plus violent), tous trois âgés de 17 ans, font des petits vols pour survivre.
Repérés et adoubés par le caïd local, Félix, ils vont entrer dans son équipe de miliciens mafieux. Une plongée dans un univers de violence et de force brut qui les amènera ensuite à prendre une autre dimension, dans la capitale. Et cette montée dans l’univers du crime les fera ensuite basculer dans une fuite en avant guerrière et sans issue.
Cette réédition, dans un bel album grand format, permet déjà de constater que ce roman graphique n’a pas vieilli. Et l’on peut comprendre que cette histoire, également âpre et dure – dans un registre plus réaliste et contemporain que La Terre des fils – ait pu saisir les lecteurs voilà douze ans, comme il pourra encore émouvoir ceux qui ne le connaîtrait pas. Entre récit de gang et reportage de guerre, l’intrigue avance au plus près des préoccupations de son trio de héros (anti-héros, plutôt). Mauvaise graine poussant sous les vents mauvais de la guerre, profitant en partie du chaos pour tracer son chemin.
Au-delà de son récit haletant et sans concession, Gipi innovait avec un trait fin, jeté, sur des décors rehaussés de gris à l’aquarelle. Une vraie (re)découverte.
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