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Ils vont nous manquer

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La carte du fan club de Scorpions que m’avait fait signer Herman Rarebell. (Photos : Philippe Lacoche.)

       L’époque n’est guère réjouissante. Je viens d’apprendre avec peine le décès d’Anne-Marie Adda, talentueuse illustratrice, notamment des couvertures des livres des éditions du Dilettante, l’un de mes tout premiers éditeurs. C’était au début des années 1990. Nous étions quelques jeunes Turcs, soutenus par cette belle maison : le regretté Eric Holder, Vincent Ravalec, Marc-Edouard Nabe, etc. Un peu plus tard, Anna Gavalda nous rejoignit, hissant le Dilettante vers le succès. Grâce à ses couvertures originales, singulières, Anne-Marie rendait nos livres attrayants. Je me souviens que pour mon roman Le Pêcheur de nuages, elle dessina avec une infinie précision des cuillers destinées à capturer les carnassiers. Lorsque je m’étonnais qu’elle connût si bien ce petit matériel très particulier, elle m’avoua tout de go qu’elle adorait s’adonner, elle aussi, à la pêche à la ligne. Repose en paix, chère illustratrice des nuages. Si le décès d’Anne-Marie Adda n’est pas dû au coronavirus, il n’en est pas de même pour celui de Nicky Fasquelle, ancienne directrice du Magazine littéraire. Collaborateur régulier de cette revue au cours des années 1990, je l’ai souvent côtoyée à cette époque. C’était une femme vive, d’une intelligence rare, franche, très directe, folle de littérature. Elle ne mâchait pas ses mots. Et, souvent, son rire étincelant résonnait dans les locaux de la revue, rue des Saints-Pères. Nicky – à l’instar du regretté Jean-Jacques Brochier, rédacteur en chef – rencontra des écrivains majeurs : Roger Vailland, Kléber Haedens, Michel Déon, Jacques Laurent, tous les hussards, et bien d’autres. Dans la dernière livraison de la revue La Règle du Jeu, Yann Moix lui rend un hommage magnifique et très juste. Nicky va nous manquer. Autre victime de cette saleté de coronavirus : le chanteur Christophe. Il incarnait l’élégance même. Contrairement à ce que certains pensent, même ses chansons de l’époque Yé-Yé et des années 1970 («Aline», «Les Mots bleus», «Les Paradis perdus», etc.) n’étaient rien d’autres que de petits bijoux. Leurs mélodies ont marqué à jamais nos mémoires. Dès le début des années 1990, il avait fait montre de son immense talent. En compagnie de mon amie Susie, je l’avais rencontré dans les loges de la Maison de la culture d’Amiens lors d’un de ces concerts. Il s’était montré d’une infinie délicatesse et d’une grande élégance. Tout au long de sa prestation, il n’avait cessé de rendre hommage à son ami Bashung qui nous avait quittés peu de temps avant. Cette pandémie m’en rappelle une autre : celle du VIH dans les années 1980. Nombreux furent les proches, les amis, les connaissances, les collègues qui furent fauchés par ce terrible virus. Je me souviens du critique de rock Claude P., qui, alors travaillait comme attaché de presse dans une maison de disques. Il m’avait accompagné à Strasbourg où je devais interviewer le groupe Scorpions. C’était un garçon discret, cultivé, passionné. Quelques années plus tard, il décédait après avoir contracté le sida. Je pense à lui car j’ai retrouvé, il y a quelques jours, à l’intérieur de mon exemplaire du livre La Dentellière, de Pascal Lainé, la carte de membre du fan club de Scorpions que m’avait fait signer le batteur et chanteur du groupe : Herman Rarebell. Lorsque ce dernier remplissait le document, Claude P. devait se trouver à mes côtés. Il n’avait pas trente ans.

Dimanche 19 avril 2020.

La carte retrouvée à l’intérieur de l’exemplaire de “la dentellière”, roman de Pascal Lainé.

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