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Lectures : sélection subjective

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Mademoiselle Bambù, Pierre Mac Orlan; Folio. Sacré Mac Orlan! Dans l’un de ses récits, Blaise Cendrars, le bourlingueur, se fiche de sa poire. Il va voir l’écrivain dans sa maison de Saint-Cyr-sur-Morin, et l’épouse de Pierre oblige le Blaise, ancien légionnaire, à chausser les patins afin de ne pas abîmer le parquet, ce avec la bénédiction du maître des lieux. «Tu parles d’un aventurier», rigole intérieurement et gentiment le créateur de L’Homme foudroyé. Aventurier aux petits pieds? Peut-être mais quel écrivain! Ce superbe raconteur d’histoires n’a pas son pareil pour dépeindre les atmosphères des ports du Nord, des estaminets enfumés, et des mondes interlopes. Dans Mademoiselle Bambù, Mac Orlan se sert de son expérience et de ses souvenirs pour décrire aventuriers, flics, jolies putains et mauvais garçons. Tout simplement admirable. (Aventurier aux petits pieds? Pas tant que ça. Il fit la Grande guerre et fut blessé grièvement, devant Péronne, sa ville natale. Respect! Cendrars: langue de pute!)

Monsieur Paul, Henri Calet; Gallimard. Henri Calet. Calet: c’est du lourd dans la littérature française. Pourtant, on a l’impression qu’on ne l’entend jamais. Il ne l’a jamais ramené avec sa tronche de comptable, ses lunettes à grosses montures façon Paul Nizan. Il eut une existence à la fois discrète et houleuse. Habitué des champs de courses, il piqua dans la caisse de son entreprise et dut s’exiler en Uruguay pour échapper à la justice. Les faits prescrits, il se fit une belle réputation dans les milieux littéraires et journalistiques, au sortir de la Deuxième guerre, repéré par Jean Paulhan et Pascal Pia. Dans toute son œuvre, il décrit avec humanité et sensibilité les obscurs de la société, ceux dont on ne parle jamais. S’il n’était pas mort un 14-Juillet de l’année 1956, nul doute qu’aujourd’hui, il eût pris fait et cause pour nos chers Gilets jaunes. Dans Monsieur Paul, un père rédige un testament à l’attention de son fils. Il y raconte sa vie qu’il enjolive un peu. En quatrième de couverture, Calet rédige un texte de présentation qui se termine ainsi: «Une vie à deux dimensions seulement: le passé, le présent; pas d’avenir.» «Sublime, forcément sublime», eût dit la Margot.

PHILIPPE LACOCHE

 

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