
À la faveur de ma chronique quasi quotidienne, sobrement intitulée «Confiné au jardin», je vous ai narré, il y a peu, les affres du jardinier confiné, contraint de s’adonner au bricolage, poussé en cela par sa petite fiancée; cette dernière, rêvant d’œufs frais et d’autosuffisance, envisageait d’élever deux poules pondeuses. Il fallut donc penser à la construction d’un poulailler. Bien heureusement, la petite fiancée du Confiné, possédait, quand elle était petite, une chèvre prénommée Djali, chèvre que lui avait ramenée par son père alors qu’elle réclamait un chien. (Il faut le reconnaître: parfois, les décisions paternelles demeurent difficilement déchiffrables.) Dans ce cas précis, il existait encore le cabanon de Djali, et la petite fiancée s’était bien renseignée sur Internet pour aménager ce fichu poulailler. Elle fut donc l’ingénieur; il se résigna à faire le manœuvre. Mais tout de même, observant le jardinier, je m’étais rendu compte à quel point le bricolage le dégoûtait, le répugnait, le révulsait. Je dois ici l’avouer tout de go: je ne suis pas toujours d’accord avec les attitudes absconses, voire provocatrices du jardinier confiné. Vous l’avez compris, lectrices adulées, fessues et soumises, que je ne suis que le modeste greffier de ses exploits journaliers. Oui, parfois, il m’agace; et tout en écrivant ces chroniques nées du confinement et du pangolinvirus, je reconnais même qu’il m’agace puissamment. Mais là, son incapacité à bricoler m’a ému. Je l’ai senti désarmé, fragile lui qui, pourtant, manie la bêche comme la machette et l’incinérateur comme un Dr Marcel André Henri Félix Petiot. (Merci pour l’image, Simon Poulidor, dit le Président, de l’association des Quatre-vingts poneys.) En effet, je dois reconnaître que, comme le Confiné, je ne sais rien faire de mes dix doigts. Une vraie brelle; une catastrophe ambulante. Il n’est pas rare qu’au cours de mes tentatives de bricolage, je me coupe, je me blesse, je m’agresse. Au grand dam des filles et femmes qui ont eu le privilège d’accompagner ma vie de Ternois. (Heureusement, comme le Confiné, je me rattrape sur le jardinage, la pêche à la ligne, et les choses de la carte du Tendre.) L’autre soir, j’étais seul. Je comptais me régaler d’un reste de pois-chiches-épinards du ragoût à la créole et de tranches de Corned-beef. (J’adore ça; c’est une façon pour moi de rendre hommage à nos amis alliés britanniques qui nous aidèrent, à plusieurs reprises, à repousser les envahissantes et teigneuses velléités venues de l’Est.) Je sortis donc ladite boîte métallique. Après bien des efforts, je parviens à enfiler la minuscule clé fournie par le fabricant. Et je me mets, sagement, à enrouler autour de celle-ci le ruban de métal prédécoupé. J’avoue que je n’étais pas rassuré. Soudain, se produisit ce que je craignais: le ruban métallique se brisa net. Plus moyen de remettre la clé. L’horreur car j’avais très faim. Il me vint l’idée de me munir d’une pince. Grâce à celle-ci, je vins à bout de la boîte ce qui relève, pour moi, de l’exploit. Je pensais alors que le regretté Winston Churchill eût pu rajouter à sa célèbre formule «No sport», celle, toute autant respectable, de «No do cratfs»!
Dimanche 26 avril 2020.

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