Longue vie, Stanislas Moussé. Editions Le Tripode, 208 pages, 20 euros.
Il était une fois un berger, heureux en famille et en harmonie avec son troupeau en alpage. Mais un jour des brigands vinrent assassiner sa famille. Alors le berger, ivre de vengeance, se fit chasseur, se faisant justice en massacrant les meurtriers. Blessé, il fut recueilli par des guerriers, devient l’un d’eux, puis leur chef, les emmenant à la conquête d’un royaume, devint roi, bâtit une dynastie. Sans jamais oublier d’où il vient.
Pour la publication de leur première bande dessinée, les éditions du Tripode – plutôt versées dans les ouvrages d’illustration singuliers – font fort avec Longue Vie. Un album qui s’inscrit bien dans la tradition maison et se présente comme l’un des albums marquants de cette année 2020 si particulière.
Réduit à son résumé (fait plus haut), le livre apparaît pourtant aussi archétypal que d’une grande banalité. Pourtant, c’est tout le contraire, tant ce gros album surprend. Dans la forme et le style… et à l’image de son auteur, Nantais devenu berger de vaches de combats dans le massif des Bauges, entre Chambéry et Annecy…
Récit muet de 200 planches, en noir et blanc, cette oeuvre s’impose avec un effet presque hypnotique, avec une juxtaposition de grands dessins pleine page fourmillant de détails, le tout composé dans un style presque naïf, telle une grande bande médiévale réalisée avant la découverte de la perspective.
A l’intérieur, se dévoile un récit foisonnant, bouillonnant d’action, “univers médiéval loufoque au croisement de Game of Thrones et Où est Charlie“, comme le résume très justement son éditeur non dénué de burlesque (à l’image de ses personnages principaux aux allures de cyclopes).
Pour parvenir à ce résultat, son auteur, Stanislas Moussé – qui signe là son premier ouvrage après Chaos, en 2018, sorte de test d’entraînement de ce présent livre – utilise également une technique particulière: il dessine au rotring, avec un trait fin et très peu de noir, remplissant ensuite l’espace avec une multitude de points ou de traits, noyant les personnages dans ce décor pointilliste. Et ces dessins pleine page, par leur composition à la fois très simple et complexe appellent à s’y plonger longuement pour y découvrir de multiples petites séquences simultanées.
Une même approche se retrouve dans le fil du récit, à la fois limpide, dans sa linéarité chronologique, mais profond, par rapport à son évocation d’une vie, du temps qui passe et d’une forme de sagesse où le héros, malgré sa fulgurante destinée, reviendra à ses origines et y retrouvera, de manière symbolique, ses racines.
Voilà en tout cas un nouvel OVNI de toute beauté dans la collection du Tripode, d’autant que l’ouvrage est très joliment imprimé, sur un beau papier crème épais, qui accentue encore le côté attachant du récit.
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