Grand Orient, Jérôme Denis (scénario), Alexandre Franc (dessin et couleurs). Editions Soleil, 124 pages, 17,95 euros.
La franc-maçonnerie fait toujours fantasmer, par son pouvoir présumé et ses prétendus réseaux secrets…. Surtout ceux qui ne la connaissent pas, comme semblent l’indiquer avec humour les auteurs de Grand Orient. C’est en effet un tout autre univers, nettement plus prosaïque – et sans doute bien plus proche de la réalité – que dévoile cet album, inspiré des souvenirs de Jérôme Denis (pseudonyme d’un Lillois, prof de philosophie et “initié” à l’âge de 38 ans).
Tout commence un soir de septembre, dans le XXe arrondissement de Paris. Un trentenaire, Philippe, va vivre son initiation maçonnique en compagnie d’un autre postulant, Cao Son. Mais rien ne se passe comme prévu dans cette petite loge de la “Grande loge mixte internationale”. Le vénérable n’arrive pas, des objets symboliques nécessaires au rite ne sont pas disponibles et il manque jusqu’aux chaises. Pendant ce temps, les deux postulants, censés demeurés muets et aveugles derrière leurs bandeaux noirs, ont commencé à sympathiser, à l’initiative de Philippe, nettement plus déluré que son comparse. Une première découverte, un brin burlesque de l’univers maçonnique qui va donner le ton de la suite. Au fil des semaines et des années, Philippe va apprendre à connaître ses “frères” et “soeurs”, les relations qui se nouent entre eux, croiser d’autres frères, un brin hautains, membres du Grand Orient et passer les étapes progressives pour devenir compagnon, puis maître…
En bande dessinée aussi, la franc-maçonnerie semble toujours être un bon filon. Les éditions Glénat vont ainsi entamer une série historique contant son “épopée” (initialement programmée pour ce printemps, les deux premiers albums devraient paraître à la rentrée).
Ici, c’est avec une approche plus contemporaine et pragmatique qu’est évoquée cette “société discrète”. Sans dévoiler les secrets des rites et s’arrêtant devant la porte close des “tenues”, Jérôme Denis et Alexandre Franc décrivent avec finesse et, semble-t-il de façon très documenté, le quotidien de cette bande de maçons et maçonnes, attachants et très humains dans leurs préoccupations, leurs paradoxes, leur humour et parfois leurs ridicules.
Une manière sensible et souvent drôle de soulever le voile, sur un ton de comédie sociale qui fait un peu songer aux tribulations de Monsieur Jean, de Dupuy et Berberian, voire à l’approche sociologique de certains albums de Lauzier.
Au final, un album qui ne dévoile ni ne dénonce rien, qui ne se veut ni prosélyte ni hostile, mais dont la principale révélation est de montrer des franc-maçons comme des femmes et des hommes comme les autres. Peut-être juste portés par une volonté d’être un peu plus bienveillants et meilleurs. Et si c’était ça, finalement, le fameux secret maçonnique ?
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