Le Musée du cheval de Chantilly (Oise), consacre sa première exposition temporaire aux Tuniques bleues. Un mariage réussi. A voir jusqu’à début janvier 2018.
Accrocher des planches de bande dessinée dans des musées a priori sans rapport avec le 9e art. La pratique se développe ces derniers temps. Ainsi de l’expo sur La Grande Guerre de Charlie au milieu des collections du musée de la grande guerre de Meaux, voilà deux ans. A priori, le rapport entre la série de Spirou des Tuniques bleues et le musée installé dans le cadre majestueux et très select du Domaine de Chantilly peut sembler plus iconoclaste.
Mais ce serait oublier que si le sergent Chesterfield et le caporal Blutch sont les vedettes incontournables de cette saga, Arabesque (le cheval de Blutch) en est un personnage secondaire très présent – et qui a même eu droit à son album dédié.
De plus, depuis 1972 où il a pris la succession de Louis Salvérius, Willy Lambil a eu l’occasion de dessiner, avec un talent incontestable, une multitude de chevaux, au fil des charges épiques du 22e de cavalerie et des multiples missions des deux soldats nordistes. Un cheval qui fait souvent figure de hantise pour beaucoup de dessinateurs de bande dessinée, par la difficulté à rendre compte de sa morphologie et de ne pas tomber dans le ridicule.
Et de même que Raoul Cauvin a soigné de façon impressionnante sa documentation sur la Guerre de sécession, Lambil a lui aussi soigné particulièrement les détails et la composition de ses planches. Notamment s’agissant de la gent équestre.
La sortie du 61e album, l’Etrange soldat Franklin, a servi de prétexte à cette « première ». Ce sont les Editions Dupuis qui en ont pris l’initiative. Et l’idée d’une exposition dans le Musée du Cheval a fait son chemin.
L’apport de la BD se concrétise à travers près de 25 planches originales, disposées au fil des salles de l’expo permanente. Et en lien précis avec elles. Ainsi, après une introduction présentant la série et le dessinateur (avec une planche de Salvérius et une de la série initiale de Lambil, Sandy et Hoppy), chaque planche exposée fait écho aux pièces et oeuvres des collections du musée. La salle « évolution et races de chevaux » s’enrichit d’une planche d’Indien mon frère (pour les chevaux indiens), celle sur le harnachement présente une planche de Baby Blue sur ce thème. Dans la salle consacrée au « cheval de prestige » et de guerre, on peut voir un face à face étonnant entre un porte-pistolet du XVIIIe siècle et son équivalent, quasi-identique, dessiné par Lambil dans l’album L’Oreille de Lincoln.

Et les renvois d’un univers à l’autre se poursuivent dans toutes les salles: une séquence de bataille extraite de Requiem pour un bleu pour évoquer la stratégie militaire, quatre planches avec des véhicules hippomobiles (dont un corbillard) dans la salle consacrée aux calèches, une planche dynamique des Bleus tournent cosaques pour évoquer les sports et loisirs équestres ou, dans la salle dédiée à la haute école de dressage une planche d’Arabesque montrant, avec précision et justesse, un piaffé et un cabré (deux figures classiques en art équestre). Le cheval emblématique de Blutch a encore droit à quelques planches sur sa propre enfance (dans la belle salle consacrée aux animaux de carrousel). L’itinéraire s’achève sur trois aquarelles – dont celle, réalisée spécialement pour l’expo et donnée par l’auteur au musée – et trois planches du dernier album. Occasion d’apprécier, comme dans les planches précédentes, la finesse du dessin, son dynamisme et le soin apporté aux détails et à l’ambiance générale des cases.
Chaque planche a été choisie et est accompagnée d’un cartel rédigé ensemble par Aurore Bayle-Loudet, chargée des collections du musée du Cheval et Christelle Pissavy-Yvernault, essayiste spécialisée en bande dessinée. Assurance d’avoir des informations doublement pertinentes, donc.
Exposées de façon discrète, les planches se fondent bien au milieu des objets et œuvres d’art présents. Et cette union réussie pourrait permettre à des bédéphiles de découvrir ce monde particulier du cheval, tout comme il pourrait ouvrir le public plus habituel du musée au 9e art.
De quoi galoper jusqu’au Domaine de Chantilly.
Les tuniques bleues au Musée du cheval, jusqu'au 7 janvier, Grandes écuries de Chantilly, ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h30 à 17h. Expo incluse dans le billet Domaine (château, parc, grandes écuries + exposition, 17 € plein tarif, 10 € tarif réduit).
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