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Le Suaire : quand la religion n’est pas de bonne foi

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Le Suaire, premier tome: Lirey, 1357, Gérard Mordillat et Jérôme Prieur (scénario), Eric Liberge (dessin). Editions Futuropolis, 80 pages, 17 euros.

La religion n’est pas toujours de bonne foi. Surtout quand il s’agit de susciter la crédulité des masses et lui extorquer de quoi finir de bâtir une abbatiale… C’est la trame de fond de ce premier chapitre d’une trilogie à venir sur le « Saint Suaire ».

Pour l’instant, c’est en Champagne, en 1357, que l’histoire débute. Une histoire plurielle. Henri, l’évêque de Troyes, secrètement amoureux de sa cousine Lucie, va tenter de la persuader de renoncer à ses voeux religieux au profit d’un mariage d’intérêt. Pendant ce temps, les moines de Lirey constatent qu’ils n’ont plus les moyens de bâtir leur abbatiale. Malgré le morceau de croix du Christ soit-disant ramené de Jérusalem, les dons n’affluent plus en cette période de disette et de peste noire. Il faut frapper plus fort. Le prieur de la communauté, Thomas Merlin a alors l’idée de créer de toute pièce une relique unique, à partir de linges ramenés de Palestine et du talent de Lucie à manier poudres et onguents. Et dans l’idée que « dès le moment où le peuple les adore avec ferveur… Je dis qu’elles (ces reliques) n’en sont pas moins saintes« . Personne n’en sortira indemne, mais le mythe, lui, survivra.

Voilà deux ans, dans Stupor Mundi, Néjib avait imaginé une origine rationnelle – et déjà médiévale – au Saint Suaire. Aucune interrogation non plus ici sur la nature du fameux « Saint Suaire » dit de Turin. Auteurs d’enquêtes magistrales sur l’origine du christianisme – comme Corpus Christi ou l’Apocalypse – Gérard Mordillat et Jérôme Prieur s’appuient sur les principales recherches scientifiques sur la question, qui s’accordent à y voir un tissu datant du XIVe siècle. Mais c’est moins le suaire en tant que tel (malgré le titre de la série) qui est au coeur de l’intrigue que le marché des reliques, la manipulation des foules et les postures religieuses des uns et des autres vis-à-vis de leurs tourments très humains. Bref, comme dans leurs séries précédentes, une approche très politique et pragmatique.
Eric Liberge restitue avec force cette fresque épique, dans un style réaliste fin et expressif, porté par des planches en noir et blanc étincelantes, rehaussé de lavis gris, dans un traitement un peu similaire à sa série Mardi-Gras Descendres. Une image saisissante et marquante du monde médiéval. Et un récit appelé donc à traverser les siècles des siècles. Amen.

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