

Thomas Morales raconte comment, à cause du confinement, il est allé s’abriter dans sa province chérie.
Comme beaucoup de Hussards, de vrais Hussards, Thomas Morales n’est jamais aussi bon que dans les chroniques ou les récits. Celui qu’il nous propose aujourd’hui, Paris-Berry nouvelle vague, vaut son pesant de mélancolie (un imbécile disait, il y a peu, sur France Inter que celle-ci conduisait à l’immobilisme alors qu’il n’y a pas carburant plus révolutionnaire: Nietzsche, Maupassant, Calet, Debord, etc.), de nostalgie, de douce et salvatrice réaction. Thomas Morales est un styliste hors pair. Quand il écrit, on pense un peu au regretté Frédéric Berthet. (Ceci est, bien sûr, un compliment.) Ses phrases sont élégantes, gouleyantes et racées comme un Sancerre nouveau; son rythme est celui d’un puncheur, d’un sprinter, de Jan Janssen ou d’André Darrigade (le lévrier des Landes !). Ça déboule au détour d’un chapitre; ça s’échappe et ça lâche le peloton des idées de la bien pensance dès que la Raison et la Morale, ces deux cousines ternes et frigides, ont le dos tourné. Il faut lire Morales car il n’a pas peur – et il a raison – d’oser dire que c’était souvent mieux avant. En tout cas, avant que le tout économique et l’ultralibéralisme ne montrent leurs crocs répugnants et finissent par triompher.
«Thomas doit être le seul sur Facebook à afficher des photographies des plus belles pin-up.»
Thomas Morales se moque de la société actuelle avec force et vigueur et avec un talent inouï aussi. Et avec humour. Ici, il nous raconte comment, à cause du confinement, il s’exile dans son Berry natal. Il s’adonne donc à la lecture de ses écrivains préférés. Un homme qui lit Amours, le meilleur roman de Paul Léautaud, et les livres de Christian Laborde, d’Yves Charnet, d’Éric Neuhoff, de Jean Freustié, de Jacques Laurent, de Jean-Marc Roberts et de Jean-Edern Hallier ne peut pas être totalement mauvais. Eh puis, il y a l’amour qu’il déploie pour la France, pour notre si beau pays. Alors qu’aujourd’hui, il est de bon ton de se foutre de sa patrie comme de son premier smartphone, ou de se vautrer dans un européanisme hystérique ou un mondialisme délétère, lui, tel un Kléber Hædens, assume. «J’ai vu Nevers dans les yeux d’Yves Charnet et Toulouse dans ceux du vieil étudiant Éric Neuhoff», écrit-il, page 27. Il est drôle, toujours, amusant, notamment quand il défend avec passion le calendrier Pirelli qui «a annoncé l’abandon de sa prochaine édition. Depuis 1964, cet objet de tous les fantasmes n’est pas vendu dans le commerce mais envoyé gratuitement à quelques privilégiés. J’ai connu d’heureux bénéficiaires qui en étaient aussi fiers que de leur diplôme de chirurgien ou d’HEC. Mon père me disait souvent: L’humanité se partage en deux, ceux qui reçoivent le calendrier et les autres…» Il faut tout de même savoir que Thomas doit être le seul sur Facebook à afficher des photographies des plus belles pin-up des sixties et des seventies à la place de son cliché de profil. En ces époques où il faut faire attention quand on reluque un peu trop une fille, il a du cran. Même pas peur de se faire griffer! Amusant encore quand il larde sa narration des synopsis qu’il envoie à Pascal Thomas qui lui a commandé une comédie à l’italienne à propos du confinement. Amusant enfin quand il avoue qu’il a un ami communiste. Mais, Bon Dieu, de qui peut-il bien s’agir?
PHILIPPE LACOCHE
Paris-Berry Nouvelle vague, Thomas Morales, La Thébaïde, 109 p.; 12 €.
L’article Le plus parisien des Berrichons est apparu en premier sur Courrier plus.