Le marquis de Dessous chics est allé pêcher dans la mare de Lamaronde. Et les carpes se sont moquées de lui.
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Je n’ai pas effectué de recherches poussées sur l’origine du nom Lamaronde (Sud-Ouest d’Amiens). C’est peut-être mieux comme ça. Car, dans le cadre de cette série de reportages sur les mares du département de la Somme, il me fait rêver. Le village de Lamaronde ne doit-il pas son origine à une mare ronde, creusée dans la noirceur de la nuit des temps, autour de laquelle se seraient regroupées quelques maisons et habitants? Que les historiens locaux me pardonnent; il ne s’agit là que d’un fantasme. D’autant plus que, comme le précise le maire, Xavier Despréaux, «il n’y a pas si longtemps que ça, il y avait au moins quatre mares communales, sans compter les mares privées». Alors, pourquoi s’agirait-il de celle-là, celle où je m’apprête à tremper mes lignes d’ancien petit pêcheur ternois du canal de Saint-Quentin, en face de la délicieuse petite église (rénovée depuis peu), dont Xavier Despréaux est – à juste titre – si fier. De plus, elle n’est même pas ronde. Alors…
Comme un adolescent
devant un calendrier Pirelli
À peine arrivé, je m’excite; ça bulle et ça saute de partout. Ça remonte de la vase marron clair. Certainement des carpes. J’ai le cœur qui bat; c’est l’instinct. Je sens que ça vient loin, de très loin en moi. Ce goût pour la capture, pour la traque. Je ne suis pas chasseur, certes; j’eusse pu l’être. La transmission a fonctionné: mon père était pêcheur, pas chasseur. C’est à peu près la même chose; le bruit en moins. Et nous, nos plombs, servent à redresser le bouchon de notre ligne. Justement, je lance celle-ci. Au bout: vers de terreau, puis asticot. Mais rien n’y fait; il y a trop peu d’eau. Quinze centimètres au-dessus de la vase. Pas plus. Les carpes n’ont pas l’air d’avoir faim; de plus, elles me voient. J’ai l’impression qu’elles rigolent. Elles remontent à la surface, me narguent, replongent se planquer dans la vase en laissant derrière elles d’exquises taches brunes. J’ai l’impression d’être comme un adolescent boutonneux devant un calendrier Pirelli. J’en bave, d’autant qu’il y en a des bien gaulées. D’au moins quatre cents ou cinq cents grammes. Ce jour-là, je reviendrai bredouille. Il fait terriblement beau. J’oublie les taches brunes et les carpes insaisissables et moqueuses. Et me mets à rêver. Je repense à ce que m’a dit Xavier Despréaux. Dans les temps anciens, à la faveur des mariages à l’église, quelques jeunes, un peu avinés, s’amusaient à se pousser dans l’eau de la mare. Je pense aussi à ces aviateurs du 12e escadron de la Royal Air Force (RAF), le sergent John Percy Boddington, et son ami Charles Sydney Burt qui s’écrasèrent dans le village le 8 juin 1940, nos chers amis alliés venus mourir en terre de France pour combattre ces pourritures de Nazis. À bord de leur avion en feu, aperçurent-ils, de leurs yeux pleins de terreur, la mare avant de rendre leur dernier soupir? Ce n’est certainement pas les carpes moqueuses qui me renseigneront. PHILIPPE LACOCHE
Les prélèvements du CPIE.
Brice Marier, chargé de mission biodiversité au centre permanent d’initiative pour l’environnement (CPIE) a procédé à des prélèvement dans la mare de Lamaronde. Ces constations sont les suivantes : ” Mare urbaine fortement eutrophisée avec pollution d’hydrocarbures. Les pentes sont abruptes et la mare bétonnée. Les espèces floristiques : Aubépine monogyne, Iris des marais, Saule pleureur, Orme champêtre, Pin sylvestre, Frêne commun. Les espèces faunistiques : les oiseaux : moineau domestique, pinson des arbres, mésange à longue-queue, hirondelle rustique, pigeon ramier. Pas d’amphibiens mais présence de poissons.”
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L’article Les carpes et les aviateurs est apparu en premier sur Courrier plus.