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Carbone & Silicium, le robot et l’avenir de l’homme

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Carbone & Silicium, Mathieu Bablet. Editions Ankama, 277 pages, 22,90 euros.

2046. Directrice de recherche aux laboratoires Tomorrow Foundation, Noriko Ito met au point deux prototypes d’une nouvelle génération d’androïdes destinée à accompagner l’humanité vieillissante.

Basés sur les progrès en matière d’intelligence artificielle visant à créer un être à la fois intelligent et sensible, scindés en deux entités complémentaires, Carbone – le blanc, féminin – et Silicium – le noir, masculin – vont ainsi refléter l’ambivalence humaine: raison ou passion ? soif de découvertes ou sédentarité ? Le corps et l’esprit, la matière et l’immatérialité des réseaux informatiques. .. Programmés pour vivre quinze ans, ces Adam et Eve robotiques vont néanmoins parvenir à s’émanciper.

Lors de leur première sortie hors du laboratoire, ils seront séparés lors d’une tentative d’évasion. Carbone, piégée par des jambes défaillantes restera, illustration du monde de la raison, Silicium s’enfuira, nomade partant à la découverte du monde, assouvissant ses désirs et émotions. Mais ils se retrouveront ponctuellement, trouveront les moyens de se perpétuer pendant près de trois siècles. Et ils accompagneront ainsi, comme des observateurs un peu détachés l’évolution d’une humanité déclinante, confrontés aux désastres écologiques, aux crises politiques et sociales.

Dès son premier album, La Belle mort, Mathieu Bablet avait développé son univers de science-fiction mélancolique, évoluant volontiers au coeurs des ruines et des vestiges d’une humanité sur le déclin. Après son diptyque d’errance mythologique étrange Adrastée, l’auteur grenoblois a acquis une forte audience grâce au succès de son précédent album, le superbe space opera Shangri-La qui, lui aussi, évoquait une certaine nostalgie jusqu’à la fin de l’humanité.

Il poursuit magnifiquement dans cette voie avec ce nouveau grand album (par la forme, la pagination et le fond), plus encore que dans Shangri-La. Dans cette balade cyberpunk – qu’ironiquement il voyait au départ comme un récit “plus simple et plus court” – Mathieu Bablet aborde au fil des différents chapitres chronologiques qui rythment l’histoire, des thèmes majeurs aussi divers que la crise migratoire, le transhumanisme, l’effondrement climatique, les guerres civiles, les intégrismes religieuses. Autant de maux qui affectent une humanité de plus en plus souffrante.

Profond, très immersif, Carbone et Silicium est aussi enthousiasmant et spectaculaire, avec le trait toujours singulier de Mathieu Bablet, des décors époustouflants, de belles cases contemplatives, un travail chromatique très soigné et qui distingue notamment par la belle trouvaille de ce traitement en “négatif” de l’univers des réseaux numériques. Un “brun Bablet” trouvé dans “l’envers des rétines” comme l’évoque Alain Damasio dans la postface fulgurante et particulièrement adaptée. Quoi de plus logique, il est vrai, que le meilleur auteur de SF français évoque celui qui est en train de s’imposer comme l’un des grands auteurs de bande dessinée de science-fiction français.

Si ce dernier trimestre s’annonce encore riche en parutions, Carbone & Silicium s’impose incontestablement comme l’un des albums de l’année. Voire peut-être même l’album de 2020.

Il faut enfin saluer le travail d’édition (grand format, dos toilé, comme Shangri-La) et l’effort fait pour maintenir un prix relativement modeste, au vu de la pagination.

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