Mirages, de Will, par Vincent Odin, Editions Daniel Maghen, 408 pages. 59 €.
Pour tout amateur de bandes dessinées, Willy Maltaite, alias Will, est « Monsieur Tif et Tondu ». tant son dessin s’est confondu avec l’âge d’or d’une série inoubliable, pour ne pas dire indémodable, dans les pages du journal de Spirou. Pourtant, ce Belge natif de la Province de Namur, disparu en 2000 à l’âge de 73 ans, n’est pas à l’origine des tribulations des deux célèbres détectives atypiques, créés par Fernad Dineur en 1938. De même il n’en était « que » le dessinateur, flanqué pour le scénario tour à tour de pointures comme Rosy, Tillieux ou Desberg.
Enfin, et surtout, Will était un véritable artiste dont finalement la bande dessinée n’exprimait qu’une facette, tant il était, en vérité, un peintre au sens le plus noble du terme.
Tout cela, et bien plus encore, tels des inédits qui font mouche, sa magnifique biographie en images intitulée Mirages, publiée par les éditions Daniel Maghen, en témoigne, en nous transportant de bout en bout dans des décors de rêve, ravivant ici les souvenirs tendres de nos lectures d’enfance, ou exhibant là, à nos yeux conquis, de véritables tableaux complétés d’esquisses ou de portraits délicieux. Le spécialiste amateur, admirera alors une technique à double facette, faite de lignes précises ou tout autant suggérées, laissant l’imagination instruire le reste. Quant au professionnel, il en retirera des leçons teintées d’admiration.
Bien sûr, Tif et Tondu prennent tout de même une part majeure dans ces 400 pages de gourmandises à consommer sans modération, quitte à en payer le prix fort, à l’image de la couverture de l’album de 1956 Tif et Tondu contre la main blanche, vendu aux enchères en 2015 au prix de 68 760 €.
Au-delà, à l’appel des talents de Will, tout le monde répond présent, telle l’espiègle Isabelle, par le truchements d’extraits où le Noir et blanc a autant d’attraits que la couleur.
Dans sa préface, Stephen Desberg, d’abord lecteur et admirateur, avant d’en être le collaborateur et l’inspirateur, de Will, résume en quelques mots, à l’évocation de Tif et Tondu, l’esprit et le savoir-faire de celui qui est un maître de la fameuse école belge de la bande dessinée : « Les atmosphères si particulières de Will donnaient un ton unique à ces deux héros étranges, classiques et décalés en même temps. »
Et qu’en pense Willy Mataite lui-même ? Réponses dans Mirages puisque dans cet album aussi épais qu’un pavé, il s’exprime face à de multiples dessins en narrant des anecdotes savoureuses traduisant aussi une époque révolue. Un vrai bonus qui résonne en écho du texte de Vincent Odin, concepteur de ce véritable hommage grand format, publié dans les toutes premières pages sous l’intitulé un peu sévèrement nommé « Avertissement ». Odin donne en effet le ton d’emblée en expliquant que Will a retradé son entrée dans l’univers de la BD parce qu’il voulait avant tout « peindre des femmes, jolies de préférence ». On s’en rendra compte en feuilletant l’ouvrage d’un luxe nullement ostentatoire et tellement « Will » qu’il s’impose à toutes les bibliothèques où le bon goût est roi.
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