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Lumineuses “Radium Girls”

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 Radium Girls, Cy. Editions Glénat, 136 pages, 22 euros.

C’est un drame social qui ramène aux balbutiements de la découverte de la radioactivité mais aussi du féminisme. En 1918, aux Etats-Unis, les ouvrières qui sont embauchées à l’usine USRC (United State Radium Corporation), ont tout pour être heureuses, en ce lendemain de guerre, comme le découvre Eda auprès de ses collègues Mollie, Katherine, Albina ou Quinta.

La paie est bonne et l’ambiance plutôt sympathique entre copines. Le travail, lui, consiste à peindre les chiffres luminescents des cadrans de montre (en utilisant la technique du lip dip paint, c’est-à-dire en lissant leur pinceau entre leurs lèvres avant de le tremper dans la peinture). Et la luminescence est obtenue grâce au radium présent dans la peinture et qui donne aux ouvrières une étrange phosphorescence la nuit, leur donnant leur surnom de “Ghost Girls”. Un rayonnement dont elles préfèrent s’amuser, certaines se maquillant les ongles, voire les dents, avant d’aller en soirées.

Mollie, la première, commence à avoir mal aux dents, puis à les perdre, tandis que les douleurs augmentent aux pieds et aux articulations. Et ce jusqu’à son décès. A sa suite, d’autres ouvrières d’USRC vont souffrir des mêmes symptômes. Les “Ghost Girls” deviennent alors pour la presse les “Radium Girls”. Et celles-ci vont enfin comprendre qu’elles sont victimes d’un empoisonnement incurable au radium, à cause de la technique du “lip dip paint“. Elles vont alors se retourner contre leur entreprise pour faire valoir leurs droits. Un combat qui mènera à l’adoption de lois importantes permettant aux ouvriers américains de pousuivre en justice leur enteprise pour préjudice subi au travail.

Graphiste et auteure du Vrai sexe de la vraie vie, Cy (Cyrielle Evrard) avoue avoir découvert cette histoire par hasard, sur son fil twitter, pensant que ces Radium Girls faisaient partie d’un groupe de rock (elle reprend l’anecdote, en clin d’oeil, dans l’album). La découverte sera sans nulle doute partagée par bien des lecteurs et des lectrices, car si cet épisode est très lié au mouvement féministe américain, il n’est guère connu en France, où le radium évoque plutôt les expériences de Marie Curie.

Pour faire revivre ses héroïnes victimes de la radioactivité, Cy a fait le choix original d’un dessin aux crayons de couleur privilégiant un camaïeu de violet et de “vert radium”, avec des décors simples et des personnages au traits épurés, donnant une ambiance d’une étrange et parfois inquiétante douceur.

Elle a surtout réussi à donner chair à toute cette petite bande d’ouvrières, en les montrant d’abord insouciantes, légères, jonglant avec leurs préoccupations personnelles avant que, progressivement, la maladie les atteigne, renforçant ainsi l’émotion qui étreint dans les dernières pages. Avec, entre autre, cette planche très forte, au tribunal, ou leur avocat annonce un report du procès, des témoins d’USRC étant indisponibles car “partis en vacances en Europe” ; une annonce qui déclenche un fou rire nerveux chez les plaignantes, mourantes ou en tout cas promises à une mort prochaine, révélant une série de bouches édentées. Et il y a dans ce rire une implacable illustration du cynisme patronal.

Une belle manière de remettre en lumière cette tragédie oubliée et restituer la force du combat de ces jeunes femmes simples et déterminées.

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