Spirou chez les Soviets, Fred Neidhardt (scénario), Fabrice Tarrin (dessin). Editions Dupuis, 56 pages, 12,50 euros.
Le comte Ladislas Pacôme de Champignac, scientifique de génie et spécialiste en mycologie, est enlevé dans son château par des agents du KGB. Ces derniers réussissent à amener le célèbre professeur jusqu’au Kremlin, à Moscou, où un savant fou dangereux a besoin de ses connaissances en champignon pour son projet délirant : inoculer le gêne du communisme à chaque être humain à travers le monde !
Dans ce climat de guerre froide, dans les années 1950, Spirou et Fantasio, nos deux valeureux reporters belges aux Editions Dupuis, vont franchir le rideau de fer pour sauver leur ami aux mains des Rouges. De l’autre côté du mur, nos deux compères vont découvrir l’enfer du paradis communiste sur terre, devant échapper aux espions du KGB et fuir du goulag.
Spirou et Fantasio, accompagnés de leur fameux animal de compagnie, l’écureuil Spip, auront fort à faire pour réussir leur mission. Le monde libre compte sur eux !
Avec Spirou chez les Soviet, Fred Neidhart, au scénario, et Fabrice Tarrin, au dessin, tous deux familiarisés à l’univers de ce personnage culte de l’école franco-belge (le premier collabore au magazine Spirou le second a déjà fait un album avec Yann Le Tombeau des Champignac) nous offrent une plongée jubilatoire dans l’univers suranné des années 50 et de la guerre froide s’inscrivant dans les pas de leur glorieux aîné Hergé (le titre est un évident clin d’oeil à Tintin chez les Soviets).
Dans cette aventure librement inspirée des romans d’espionnage et d’action, à la James Bond, et parfaitement bien documentée historiquement, la galerie des personnages fictifs ou réels est très riche : le savant russe Lisenko, sorte de docteur Folamour soviétique, Khroutchev, le patron du FBI Hoover ou encore la guide officielle Natalia ( dédicace à Gilbert Becaud !), une cantatrice ressemblant à la Castafiore, ex athlète à la pilosité et la force surprenantes pouvant faire penser au Marsupilami.
Mais cet album de 55 pages est aussi et surtout un vibrant hommage à l’un des maîtres de la ligne claire André Franquin, qui dans les années 50-60 a rendu populaire le gentil petit groom bruxellois, imaginé par Rob-Vel avant-guerre pour concurrencer le journal Tintin.
Les premières planches nous donnent d’ailleurs l’impression de retrouver sous le crayon de Fabrice Tarrin, la patte artistique de l’auteur belge pilier de l’école de Marcinelle : un trait dynamique et épuré, des couleurs vives et un découpage assez classique en gaufrier s’inscrivant dans la droite lignée d’oeuvres cultes comme La mauvaise tête ou Le dictateur et le champignon.
Certaines scènes – notamment quand Spirou s’accroche à l’arrière d’une voiture – sont d’ailleurs directement transposées de ces albums. Même Gaston Lagaffe (autre héros fétiche de Franquin) fait un passage bref mais remarqué au début et à la fin de l’album.
La deuxième partie plus sombre et réaliste, pour décrire l’univers glaçant du goulag, est plus proche graphiquement et scénaristiquement de Yann et Conrad (Bob Marone, Les innomables...) un autre duo d’auteurs ayant oeuvré dans le journal Spirou dans les années 80.
Si la fin peut paraître un peu déroutante, pour ceux habitués aux aventures plus classiques de Spirou, l’histoire séduit par son mélange habile et joyeux des genres (espionnage, aventure, science fiction, humour) ainsi que son ton sarcastique et provocateur, s’amusant de la propagande communiste mais aussi capitaliste de l’époque.
En attendant le 4e tome, toujours chez Dupuis, du Spirou librement adapté avec brio par Emile Bravo (liens vers chroniques ), ce twist sur la Place Rouge devrait en ravir plus d’un.
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