Verdun, tome 3: les fusillés de Fleury, Marko et Jean-Yves Le Naour (scénario), Holgado (dessin). Editions Grand Angle, 48 pages, 14,50 euros.
Après le début de la bataille, puis le siège héroïque du fort de Vaux, Marko, Jean-Yves Le Naour et xx content ici un troisième épisode en lien avec Verdun. Moins connu et surtout moins glorieux, celui des fusillés de Fleury.
Herduin et Millant étaient deux sous-lieutenants, fusillés sans jugement en juin 19165 dans le village détruit de Fleury-sous-Douaumont. Encerclés par l’ennemi, ils s’étaient lancés dans une charge désespérée – vers l’arrière – pour éviter d’être capturés. Au final, 25 soldats en réchapperont. Mais une fois leur régiment retrouvé, loin des félicitations, ils se voient condamnés à mort pour avoir battu en retraite. Et ce sans même un procès militaire.
Deux ans après la guerre, la veuve du lieutenant Herduin, Fernande, va entamer un long et acharné combat, elle aussi, pour laver la mémoire de son mari. Elle va s’affronter à l’absurdité kafkaïenne de l’administration (pas de révision possible puisqu’il n’y a eu ni procès, ni archives !). Elle va se tourner, sans résultat, vers le gouvernement, puis tenter de faire éclater la vérité dans la presse – mais sans obtenir de réactions. Même absence de résultats lors d’une interpellation à la chambre des députés 26par un élu communiste. Soutenue par la ligue des droits de l’homme, et conseillée par un avocat, lointain précurseur de la stratégie « de rupture » théorisée bien plus tard par Me Vergès, Fernande Herduin va aussi carrément porter plainte pour meurtre… contre le colonel, devenu général, responsable de l’exécution. Et elle finira, six ans plus tard, par obtenir gain de cause à travers un procès retentissant.
Avec ceux de Fleury, c’est bien sûr le cas des fusillés pour l’exemple que traite ce troisième tome (et dernier ?) de cette série sur Verdun, labellisée Mission du centenaire. Le récit évoque d’ailleurs en passant le cas du lieutenant Chapellant et des fusillés de Vingré, en Picardie. A travers ces cas, plus encore que l’absurdité de la justice militaire (puisque ici, de fait, il n’y en eu même pas), ce sont l’orgueil imbécile, la suffisance et la lâcheté d’une partie de l’Etat-major qui ressortent.
Relevant plus du genre « film de procès » que du récit de guerre proprement dit, l’intrigue de ce troisième épisode est moins épique que les précédents. Et malgré un scénario bien construit par Marko, elle se montre un peu laborieuse aussi dans son déroulement, puisque une bonne partie de l’intrigue est constituée d’échanges verbaux dans des cafés, des bureaux ou dans l’Hémicycle. Mais la dernière partie se conclut sur une séquence très forte – et sans doute unique dans l’histoire militaire. De retour, en flash-back, sur le champ de bataille: celle d’un soldat qui dirige lui-même le peloton d’exécution destiné à le tuer !
Du point de vue historique, et comme pour les deux albums précédents, l’histoire est méticuleusement documentée par l’historien Jean-Yves Le Naour et nourrie d’anecdotes réelles (et un peu légendaire, comme la « tranchée des baïonnettes » au début) qui en font tout l’intérêt. D’autant que sans être exceptionnel, le dessin réaliste d’Iñaki Holgado se montre à la hauteur et restitue la tension et la violence de cet épisode méconnu de la Grande Guerre. Une guerre qui n’aura jamais moins mérité ce qualificatif.
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