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“Bella Ciao”, Baru met au chant d’honneur les immigrés italiens

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 Bella Ciao, volume Uno, Baru. Editions Futuropolis, 136 pages, 20 euros. 

Baru, né Hervé Barulea est issu de la classe ouvrière et d’une famille d’immigrés italiens installés en Lorraine. Il n’a jamais oublié ses racines. Après Quéquette Blues (1984-1986) et les Années Spoutnik (1999-2003), il revient ici une nouvelle fois dans le registre autobiographique pour une future trilogie qui débute ici.

Cette histoire commence en août 1893, avec l’émeute des salines d’Aigues-Mortes, où dix Italiens périrent lynchés sous les coups des “Ardéchois”, les journaliers français venus d’Ardèche ou d’ailleurs, ne supportant plus la concurrence immigrée… Et se conclue, pour ce premier volet, avec la recette des cappelletti in brodo delle bianca (cappellettes au bouillon de poule blanche), ces sortes de succulents raviolis qui font pleurer le petit Igor dans Les Années Spoutnik et ravissent le Baru d’aujourd’hui.

Entre les deux époques, on apprendra pourquoi les jeunes Italiens portaient des pantalons trop courts au début du siècle (comble du chic, pour bien montrer qu’on avait les moyens de se payer des chaussures neuves), comment un jeune se fit naturaliser français d’urgence en 1936 pour échapper au recrutement des émissaires de la “mère-patrie” mussolinienne où la manière dont un oncle marqua sa première rébellion en refusant d’endosser la tenue des jeunes scouts fascistes avant d’être tués parmi les Brigades internationales en Espagne.

Un engagement qui renvoie aussi au titre de la série, Bella Ciao, chanson des réunions familiales dans les années 1960, assimilée aux partisans italiens de la Seconde Guerre mondiale, après avoir été, initialement celle des “mondines”, ces paysannes qui cueillaient le riz dans la plaine du Pô et dont Baru décrit longuement les origines.

Le lien n’est pas évident, à la première lecture, entre les divers épisodes, entre le noir et blanc de l’épisode d’Aigues Mortes et les couleurs vives des épisodes suivants, les planches au trait expressif et l’insertion de documents (les certificats de naturalisation de son père ou les paroles détaillées de Bella ciao) ou le trait esquissé de l’auteur s’invitant dans les pages lors de l’évocation des Cappellettes.

Mais ce récit éclaté, en forme de patchwork de souvenirs familiaux et d’évocation historique de l’immigration italienne en France, apparaît comme le début d’une petite encyclopédie mémorielle subjective.

Mélange d’anecdotes vécues et de récits fictionnalisés, où la subtilité du message se perçoit aussi dans la graphie des textes (en capitales pour le français, en minuscules pour les paroles prononcées en italien et une écriture manuscrite pour le dialecte), Bella Ciao cherche à évoquer comment l’intégration italienne s’est faite, plus ou moins chaotique, et quel prix “doit payer un étranger pour cesser de l’être et devenir transparent dans la société française“… Et cette évocation est aussi celle d’un héritage populaire, d’une conscience de classe ouvrière qui, elle aussi, s’est modifiée, et dont Baru pose ici les premiers jalons.

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