Avec «Le Palais des Orties», Marie Nimier nous donne à lire un roman subtil, délicat et puissant.

Tous purin, un pour tous!» Ce mauvais jeu de mots embrasse tout de même une réalité: au Palais des orties, les membres de la communauté familiale (Nora et son compagnon Simon, et leurs deux enfants, Anaïs, 17 ans, et Noé, 13 ans) sont soudés pour affronter les difficultés de la vie rude qu’ils se sont choisie. Nous sommes dans une campagne perdue qui pourrait ressembler à celle de quelques recoins normands. Une ferme, isolée et assez délabrée, entourée de champs d’orties à perte de vue. Nora et Simon cultivent cette plante urticante que tout le monde arrache; eux, se l’arrachent afin d’en tirer des ressources grâce à la vente d’un pesto maison et du célèbre purin qui remplace avantageusement tous les pesticides.
«Ses chevilles étaient plus fines que les pattes du chien.»
L’ambiance est joyeuse à la ferme, calme, parfois routinière. Tout eût pu durer ainsi des années, sans l’arrivée de Fred, la woofeuse (le mot vient de Wwoof – pour World-Wide Opportunities on Organic Farms), une fort jolie métisse qui vient donner un coup de main aux travaux des champs, contre le gîte et le couvert. Elle débarque sur place avec une journée d’avance. «Nous avions besoin de quelqu’un à la ferme, quelqu’un de gratuit s’entend, pour travailler dans les champs, à la cuisine, et récolter les premières orties, celles des soupes, des pestos et des jus primeurs», songe Nora. «Nous n’avions pas les moyens de renvoyer une bénévole sous prétexte qu’elle était arrivée vingt-quatre heures en avance et que ses chevilles étaient plus fines que les pattes du chien.»
Fred reste finalement au sein de la petite communauté et finit par s’y intégrer magnifiquement. Elle travaille dur, fait preuve d’initiatives; elle est vive, belle et intelligente. D’emblée une complicité s’instaure entre elle et Nora. Une complicité qui, au fil des jours, se transforme en tendresse, puis en amour, puis en véritable et brûlante passion. Passion affective, délicatement sentimentales; passion charnelle aussi: «Fréderica reprend ses caresses et soudain, sans prévenir, plonge son index droit dans mon sexe, puis le gauche, et voilà que les deux doigts se frottent l’un contre l’autre, dos à dos, comme un grillon champêtre frotte ses élytres.»
Il est beau cet amour; il est également envahissant. Nora ne sait plus bien où elle en est. Notamment par rapport à Simon. Tout cela ne se terminera pas si mal, en tout cas par un beau «Je t’aime» griffonné par Fred en dessous du prénom de Nora sur un message contenu sur une feuille de papier pliée.
Ce magnifique roman de Marie Nimier subjugue, envoûte, car tout est un subtil, délicat, naturel et limpide.
Un texte de grand air et de grande intériorité où la psychologie des personnages est habillement dévoilée, tout en gardant, on s’en doute, sa part de mystère.
Marie Nimier est un grand écrivain; on le savait déjà. Bon sang ne saurait mentir.
Le Palais des Orties, Marie Nimier; Gallimard; 255 p.; 19,50 €.

L’article Une passion piquante et brûlante est apparu en premier sur Courrier plus.