Le perroquet, Espé. Editions Glénat, 154 pages, 19,50 euros.
10% de la population française souffrirait de schizophrénie ou de troubles bipolaires. C’est le cas de la maman de Bastien, 8 ans, au centre du Perroquet d’Espé (dessinateur par ailleurs de la série Château-Bordeaux, qui livre là un ouvrage nettement plus personnel).
L’obtention lors du récent festival BD Boum à Blois du Prix région Centre Val de Loire permet de remettre en lumière ce Perroquet d’autant plus bouleversant qu’il est largement basé sur des anecdotes autobiographiques. Ou plutot, auto-fictionnelles, s’inspirant de souvenirs familiaux, notamment la maladie dont souffre sa propre mère.
Transposés, ces épisodes vécus dans sa jeunesse par Bastien, reviennent comme autant de flashs, en courts chapitres. Maman perd ses dents, suite à une chute dans une des nombreuses cliniques où elle est périodiquement emmenée, Maman hurle dans le jardin jusqu’à ce qu’elle soit emmenée par des ambulanciers, Maman et toute sa série de médicaments, Maman en rémission qui reçoit ses amies pour le thé durant lequel une anecdote superficielle va déclencher une angoisse et une nouvelle crise…
Les anecdotes se suivent, sans paraître – au départ – suivre un réel ordre chronologique ou une progression dramaturgique évidente. Il n’en est rien, en fait. Le dernier épisode avant l’épilogue viendra justifier et expliquer toute la démarche de l’album. Très émouvant, il décrit à la fois pourquoi ce perroquet (qui ressemble à un poulet) donne le titre à l’album et comment un enchaînement de faits anodins lors d’une journée d’apparence si banale a pu déclencher le drame final.
Avant cela des épisodes violents ou très durs alternent avec d’autres plus enfantins. La confrontation est directe avec ce mal, pris en pleine figure par l’auteur. Et si l’ensemble reflète une grande sincérité, Espé ne sombre jamais dans le pathos.
Des aplats de couleurs, en monochromes verts, gris ou rouges apportent la tonalité émotionnelle du chapitre. Avec un vrai talent derrière la simplicité d’un dessin léger, aux personnages esquissés dans un style plutôt caricatural, il restitue avec énormément d’empathie et de véracité cette enfance particulière. Ou plutôt la malléabilité de l’enfance qui permet de tout intégrer pour parvenir à vivre et grandir et d’observer, avec recul, la dégringolade maternelle.
Comme il le dit à sa femme et à sa petite fille qui vient de naître, Bastien expliquera un jour l’histoire du Perroquet et tout le reste. Espé a mis trente ans pour y parvenir. Et on peut le comprendre. Mais il y est arrivé d’une belle manière.
Il en reste une oeuvre forte, qui parlera à tous les lecteurs afin de permettre d’appréhender un peu mieux ce que sont ces maladies mentales et ce qu’elles font subir aux malades qui en sont touchées mais aussi à leur entourage.
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