Sous les pavés, Warnauts, Raives. Editions Le Lombard, coll. Signé. 80 pages, 14,95 euros.
Début mai 1968. Après Berlin ou Prague, Paris s’agite à son tour. Le 3 mai, le préfet Grimaud fait évacuer la Sorbonne et les étudiants gauchistes qui l’occupaient, par crainte d’une confrontation avec le groupe d’extrême droite Occident. Premières échauffourées qui vont embraser le Quartier latin et les esprits pendant un mois avant que le pouvoir se reprenne et que l’ordre règne de nouveau. Parmi les témoins de ce fol mois de mai: Jay, un jeune photographe américain qui se retrouve interrogé, à la mi-juin, par la police.
Un interrogatoire destiné à connaître les raisons de sa présence sur place et des liens existant dans le « club des cinq » qui s’était formé en mai. Cinq jeunes gens d’horizons divers dont les sentiments et les relations vont être bouleversés par l’esprit de mai 68. Jay Fergusson, donc, au passé empli de zones d’ombres; son ami Didier, séduisant et séducteur, ayant fréquenté les milieux autonomistes des Antilles ; Sarah Tanenbaum, jolie fille brune, très émancipée et qui couche – par intérêt – avec le père chirurgien de Gilles Dussart, promis lui aussi à un bel avenir médical et fiancé avec Françoise, la blonde colocataire de Sarah, jeune fille plus réservée, dont les origines paysannes vont créer un lien avec Jay, lui même originaire du Montana.
Mai 68 est présent ici par la bande. En arrière-fond des relations sentimentales qui vont se nouer et se dénouer entre les principaux protagonistes. Mais tous, comme le chante Dominique Grange dans l’album évoqué hier, vont être concernés par ces événements.
Le récit, suivant le fil de l’interrogatoire policier serré auquel est soumis Jay, apparaît longtemps un brin brumeux. Ou, plus exactement, tendant vers un but imperceptible mais sans doute tragique. Sans en dévoiler l’issue, disons que l’intrigue s’avérera moins dramatique qu’elle pouvait être envisagée. Mais plus sobre et réaliste aussi. La tension et l’incertitude sont en tout bien présents de bout en bout. Le contexte politique est amené par petites touches, au fil des flash radio ou des réflexions dans les soirées enfumées. Le caractère des personnages – hormis peut-être celui de Sarah – est rarement approfondi, juste suffisamment campé pour jouer correctement son rôle dans une intrigue qui se révèle, au final, subtile et délicate.
Les couleurs directes manquent, elles, en revanche, un peu de subtilité, mais le trait réaliste des deux auteurs (qui réalisent ensemble à la fois scénario et dessin) restitue bien l’atmosphère effervescente de ce mois de mai parisien. Et sous les pavés, on trouve ici une jolie chronique qui aborde la grande histoire de biais, sous un angle humain et sentimental.
- Pour être, nous aussi, dans le tempo « commémoratif », nous évoquons durant toute une semaine, des albums, romans graphiques ou magazines de BD évoquant Mai 68.
- Demain, fin de notre série en beauté avec un véritable pavé. Un album-disque hors norme co-signé Dominique Grange et Jacques Tardi.
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