Mauvaises mines, Jonathan Munoz. Editions Glénat, coll. GlénAAARG !, 96 pages, 14,95 euros.
Tout le monde connaît les éditions Couicoui, prospère maison d’édition spécialisée en ouvrages jeunesse. Le nouvel album des aventures de Pin-Pin le petit lapin, leur série-phare, vient de paraître. Sauf que celui-ci n’a manifestement pas été relu. Et que son contenu s’adresse manifestement à un public nettement plus… adulte.
Lorsque le directeur est averti de la chose, il ne voit qu’une solution: faire disparaître tous les exemplaires parus, embarquant son assistant dans un road-movies sanglant. Quitte à buter des flics ou étrangler des clochards, pour arranger les choses. Pendant ce temps, l’auteur de Pin-Pin, sans retour de son éditeur, se persuade que celui-ci est enthousiasmé par sa production et n’attend qu’une chose : qu’il aille encore plus loin dans le glauque, le scato ou l’horreur !
On a déjà pu voir quelques unes de ces « Mauvaises mines » de Jonathan Munoz dans l’excellente – mais néanmoins défunte – revue Aaarg. On les retrouve avec un vrai plaisir dans cette nouvelle collection de Glénat – subtilement dénommée donc GlénAAARG ! piloté par Pierrick Starsky (l’ex réac-chef d’Aaarg !). Et pour qui découvrirait Munoz par le biais de ce petit album, la couverture annonce bien la couleur, avec cette charmante petite fille souriante masquant de son petit dessin naïf la tête explosée de son père, qui vient de se suicider d’un coup de fusil de chasse.
C’est donc vraiment un gentil (et hilarant) petit livre d’humour noir que propose Jonathan Munoz – qui lui même débuta comme illustrateur pour la presse jeunesse.
Le récit qui débute l’album, dans un style caricatural très dynamique, déjà très drôle dans son outrance assumée, sert surtout d’écrin à une flopée d’illustrations pleine page, pastiche trash d’illustrations pour ouvrages de jeunesse, rehaussé de petits textes décalés, comme du Gary Larson sous acide ou du Olivier Tallec en plus noir et grinçant: ici, un Mickey bourré pisse sa bière – de face dans l’image – en fumant un pétard, une future kamikaze vierge s’inquiète brusquement de se retrouver seule avec 70 puceaux, un enfant fait le pari de manger du caca de chien, Hitler devenu cuisinier fait brûler tous les plats, un père – inquiet de voir son fils s’enfermer avec des jeunes hommes – se réjouit de voir qu’il n’est en fait que serial-killer. Et « l’infâme docteur Zorgule » se rend compte que la profession de « super-méchant » est bien bouché dans un monde peuplé de banquiers, d’assureurs, de travers, de fabricants de cigarettes, de paparazzi, etc. (liste déclinée sur une pleine page de texte).
Le contraste est d’autant plus réussi que le dessin de Munoz est fort joliment soigné et mis en couleurs (ou en niveaux de gris).
De l’humour très noir, donc – et à ce titre très réjouissant – doublé d’un sous-texte tout aussi vachard sur le petit monde de l’édition jeunesse. Un univers sans doute, lui aussi, un peu bouché désormais pour Jonathan Munoz. Mais celui conserve incontestablement bonne mine.
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