Nouveau numéro, et vingtième livraison toujours aussi intéressante, pour La Revue dessinée, qui prend une autre dimension, depuis fin mai, et l’attribution à son groupe des revues XXI et 6Mois.
La Revue dessinée prend une nouvelle ampleur. Du moins sa société éditrice (qui publie également la version « jeunes » avec Topo), qui s’est vu confier, ce 31 mai, par le tribunal de commerce la propriété des revues XXI et 6Mois. Deux revues ayant joué un rôle précurseur dans l’essor des « mooks » en France, en matière de grand reportage et de photojournalisme, entraînées dans les turbulences financière liées à l’échec de l’hebdo Ebdo. C’est donc le projet porté par La Revue Dessinée et les Éditions du Seuil qui l’a emporté. Et ce non sans cohérence en matière d’ambition éditoriale et de qualité journalistique (au sens le plus large). Et non sans une certaine ironie puisque c’est XXI qui avait commencé à systématiser dans ses numéros le principe d’un « BD-reportage », qui est devenu la raison d’être de La Revue dessinée.
S’agissant donc d’ambition éditoriale et de qualité journalistique, le nouveau numéro de La Revue dessinée, qui vient de sortir en ce début juin – l’opus 20 déjà – n’en manque pas, une fois encore.
La jolie double couverture à rebord de l’Italien Andrea Serio annonce la couleur, ou esquisse du moins l’un des sujets phares du numéro: le déclin du nucléaire français, à travers l’adaptation d’une enquête de Sylvain Tronchet, journaliste à la cellule d’investigation de Radio France. Evoquant les pressions ayant pesé sur le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, le fiasco de la filière de l’EPR et la chute d’Areva, le sujet – pas évident – est bien illustré, dans une approche réaliste et didactique par un auteur qui fait ici ses premiers (talentueux) pas, Benjamin Adès.
Autres gros morceaux du numéro : le suivi d’Europacity, mené en grande banlieue parisienne, un mégaprojet de centre commercial d’un nouveau type – ou plutôt d’un « jumbo » centre de « retailtainment mêlant commerce et quasi parc de loisirs. Le projet fait toujours l’objet d’opposition farouche et ce dossier, assez technique est fort bien synthétisé par Angela Bolis (ex-journaliste du Monde) et joliment mis en image, de façon très imaginative et ludique, en forçant sur les tons acidulés par Renz. Mais aussi le rappel du « cycle infernal » entamé dans le monde du cyclisme pro par Lance Armstrong, raconté par Pierre Ballester (ex-journaliste à l’Equipe) et Youssef Daoudi (auteur notamment de Tripoli, que l’on découvre fan de la petite reine), restitué avec un dessin fin et expressif.
On notera aussi un dossier, très clair et pédagogique, sur le « burn-out », par la journaliste Elsa Fayner, dont on déplorera juste l’illustration trop plaquée sur les proposd de Nicolas Pinet; même si le style humoristique et caricatural de ce dernier permet d’alléger un peu la lourdeur du sujet abordé.
Par ailleurs, il faut encore signaler un sujet singulier, très personnel et touchant signé du scénariste Fabien Vehlmann (celui, entre autre, de la série Seuls) illustré dans son style chaleureux – mais en bichromie – par Benoît Féroumont. Une jolie histoire qui peut encore mal tourner, celle de la rencontre entre Benoît Vehlmann et sa compagne avec un jeune orphelin guinéen. Et comment le couple va se voir embarquer dans les complexités administratives du droit d’asile à la française. Un sujet d’actualité traité ici avec beaucoup d’humanité et de sensibilité.
Du côté des chroniques – qui font partie des « respirations » appréciables du numéro – Sébastien Vassant évoque son rapport avec Les Dents de la mer, Cécile Cazenave et Tangui Jossic reviennent sur le proliférant problème du lapin en Australie dans la nouvelle rubrique « écosystème », Clément Le Foll et Nicoby font un « retour sur » le raid des hooligans russes à Marseille lors de l’Euro 2016. Enfin, dans l’incontournable et indispensable chronique musicale « Face B », Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog font encore découvrir un drôle d’olibrius, Billy Childish, « poète dyslexique, punk au look anachronique » et inspirateur des White Stripes.
Bref, un numéro dans lequel se plonger avec intérêt et une façon de ne pas bronzer idiot cet été.

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