Negalyod, Vincent Perriot. Editions Casterman, 208 pages, 25 euros ; édition “luxe” noir et blanc, 216 pages, 49 euros.
Bonne nouvelle: la science-fiction inspire encore de vraies sagas à de jeunes auteurs. Sans “renouveler” forcément le genre, mais en lui apportant un nouveau souffle bienvenu. C’était le cas, voilà deux ans, avec Shangri-La, le gros pavé spatiotemporel de Mathieu Bablet, c’est encore le cas avec Negalyod de Vincent Perriot. Dans un univers plus proche cette fois de celui de Moebius que de 2001 l’Odyssée de l’espace ; une tonalité encore accentué par la mise en couleurs assurée par Florence Breton, qui a colorisé bien des albums du maître de la SF, et un héros aussi solitaire qu’Arzach.
Ici, il se nomme Jarri Tchepalt. C’est un berger du désert de Ty, qui sait parler aux dinosaures – devenus ici du bétail semi-domestiqué – et maîtrise l’art des cordes, grâce à sa mère, une déserteuse, récupérée par l’armée et dont il est sans nouvelles. Mais un camion générateur d’orage (qui sillonne le désert afin de pourvoir en eau les gigantesques tuyaux de captage pour les métropoles) anéantit son troupeau. Fou de rage, Jarri décide de se venger et de tuer les responsables de cette hécatombe. Arrivé à la station 3703, il va croiser le Grand Kam, prédicateur appelant à la révolution et sa fille Korienzé. Il va surtout se retrouver imbriqué dans une révolte qui le dépasse, contre ce “réseau” qui surplombe la ville et dirige l’humanité (pour son bien ?).
Un monde desséché ou la pluie est déclenchée par des camions conduits par des condamnés, où l’eau est captée par de gigantesques tuyaux au profit de métropoles crasseuses surplombées par des villes flottant dans le ciel, un réseau opaque et omniprésent, des bergers de dinosaures… Il y a incontestablement tous les éléments pour dépayser dans ce gros album, qui transporte effectivement dans un autre univers, tout en inscrivant une confrontation crédible entre ville hypertechnologique et superstitions archaïques. Un effet renforcé par la claque graphique du travail de Vincent Perriot, notamment à travers des vues vertigineuses en contre-plongée, des double-pages foisonnantes et un style fin rendant hommage à Moebius. L’approche choisie est aussi intéressante, en faisant découvrir progressivement ce monde assez stupéfiant, mais en actant – sans explications superflues – par exemple qu’il est normal de gérer des troupeaux de dinosaures comme les bisons dans l’ouest américain… Et certaines séquences, comme la cavalcade contre le “camion-orage” dans la dernière partie du livre, sont portées par un vrai souffle épique.
Il est dommage, cependant, que le scénario ne se montre pas totalement à la hauteur de ces promesses et prouesses graphiques, avec des transitions parfois bien abruptes , une trame finalement assez simpliste et convenue et une fin métaphysique un brin confuse. Mais, il n’en reste pas moins qu’il faut saluer cette tentative de livre-monde en forme de gros one-shot de 200 pages. Un livre qui devrait s’inscrire, malgré tout, comme un des nouveaux repères du genre.
A noter que l’album paraît également en tirage “luxe”, grand format, noir et blanc, numéroté et signé par l’auteur. En parallèle, le réseau de libraires indépendants Canal BD a édité, pour accompagner l’événement, une très jolie surjaquette. Et celle-ci est offerte pour l’achat de l’album de base.
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