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Déjà ça de pris sur le temps qui fuit…

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Le chanteur Vanfi photographié au Bistrot Saint-Germain, à Amiens. Photo : Philippe Lacoche.

      Mon copain Jean-Pierre, un ancien légionnaire, me l’avait dit, presque martelé: «Viens boire des canons avec moi au Bistrot Saint-Germain, à Amiens. Tu ne regretteras pas; c’est un endroit super!» Comme depuis quelques mois, je m’étais racheté une conduite, je résistais car je ne sortais pratiquement plus la nuit. Même mes bistrots préférés (le Bar du Midi, au Café, etc.), je ne les fréquentais plus. J’avoue que je fis une exception à la faveur de la Fête de la Musique. Invité par mon ami chanteur Vanfi et son groupe The Last Ones, je fonçais au dit bistrot Saint-Germain, muni de deux de mes harmonicas Marine Band (un en do et un en la) pour m’adonner à un bœuf de bonne facture sur quelques blues et rock’n’roll bien sentis, balancés par le Vanfi et son équipe, dont une version pas piquée de la shooteuse de «Born too loose», le brûlot des Heartbreakers et de son regretté chanteur-guitariste-junky: Johnny Thunders. Ce morceau me rend tellement cinglé que, rien qu’en écrivant son nom dans la présente chronique, lectrice à hélices, j’en ai encore des frissons. Normal que j’aime ce titre: nous le jouions, dans mes jeunes années, en compagnie de mes quasi-frères Ternois, Dadack (basse, chant; RIP) et Zezette Brazier (batterie), à la Maison des jeunes de ma chère ville cheminote et lumpenprolétarienne, au sein d’un groupe que nous avions fondé et qui répondait au nom de Let’s Go. C’est si loin tout ça. Je portais un blouson de cuir que j’avais acheté au magasin Equilibre, près des Halles, à Paris, en compagnie de ma délicieuse ex-épouse, Féline, brune comme les blés, et des boots anglaises acquises à Londres, du côté de Soho. Du bistrot Saint-Germain, à dire vrai, le soir du bœuf, je ne vis pas grand-chose: le concert se déroulait dehors, en terrasse. En revanche, je me souviens avoir fait la connaissance d’une adorable jeune femme brune qui, si mes souvenirs sont bons, enseigne l’anglais, et que j’ai depuis perdue de vue. Si tu me lis, belle ombre sombre, téléphone-moi au journal; j’avais aimé notre conversation mâtinée de rock’n’roll. Il y a quelques jours, quand Vanfi, rencontré au Café, chez Pierre, me proposa d’aller boire un autre rafraîchissement houblonné au Saint-Germain, j’acceptais de bonne grâce. D’autant que je savais que j’avais de grandes chances d’y croiser mon copain ancien légionnaire. Cela ne manqua pas. Les retrouvailles furent fraternelles. L’ambiance, délicieuse, tonitruante, excessive, littéraire et rock’n’roll; on eût pu se croire dans un film des années 1960 dialogué par Audiard. Avec Vanfi, nous nous souvînmes de nos faits d’armes au sein des Scopytones, groupe yé-yé que nous avions fondé en compagnie de mon ex-pacsée, cette grande Didiche de Lou-Mary. Nous en eussions presque eu la larme à l’œil si nous n’avions pas été des rock’n’rollers et, ternois pour ma part. (À Tergnier, quand une fille vous quitte, vous ne pleurez pas de l’extérieur; juste de l’intérieur, en inversant le robinet lacrymal de votre sensibilité exacerbée.) En revanche, si nous n’avons pas pleuré, nous avons bien ri. C’est déjà ça de pris sur cette saloperie de temps qui fuit…

Jean-Pierre Ternisien, mon copain ancien légionnaire, ici en compagnie de Mélanie, photographié il y a quelque temps au Bar du Midi, à Amiens. Photo : Philippe Lacoche

Dimanche 4 novembre 2018.

 

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