En cette période de fin de centenaire de la Première Guerre mondiale, nous allons entamer une séquence “14-18” jusqu’à dimanche 11 novembre. Et pour commencer, petit retour en arrière sur la manière de se souvenir de cette “Grande Guerre”, avec les échanges sur le sujet lors du dernier salon du livre d’Albert, consacré à l’album Traces de la Grande Guerre.

Alors que le centenaire de la Première Guerre mondiale touche à sa fin, la question de la transmission de ces événements redevient un sujet d’actualité, après le coup de projecteur des cinq dernières années. C’est dans cette perspective que s’est inscrite l’anthologie BD Traces de la Grande Guerre, coéditée par l’association amiénoise On a marché sur la bulle et le festival de bande dessinée de Kendal. C’est aussi autour de ces questions qu’ont tournées les différentes table-rondes organisées au Salon du livre d’Albert ces 6 et 7 octobre. Un salon largement associé à l’événement de la sortie de cet ouvrage labélisé Mission du centenaire de la Grande Guerre et qui vu converger près d’une vingtaine d’auteurs venus du monde entier, en dédicaces et en conférences.
L’empreinte de la guerre chez les auteurs
Cette question des « traces » laissées par 14-18 se pose déjà pour les auteurs eux-mêmes. Le Havrais Riff Reb’s s’est ainsi inspiré pour la première fois d’éléments autobiographiques dans son récit mettant
en images les haïkus de Julien Vocance écrits durant la Grande Guerre, faisant le lien entre ses souvenirs familiaux, bercés par le portrait d’un grand-oncle mort en Artois en 1916 et des vacances sur les sites mémoriels de Verdun, au sein d’une famille de militaires. Et l’ex-punk souligne être toujours marqué par cette « énigme que représente encore pour moi cette guerre ».
Même découverte de jeunesse pour le scénariste rémois Jean-David Morvan, dont l’intérêt pour la
Grande Guerre s’est révélé au cours de son service militaire. Grandi dans les 70’ marquées par
les films sur la guerre du Vietnam, il découvre que les traumatismes d’une guerre absurde sont encore
bien présents tout autour de lui. Et il souligne combien cette guerre-là continue désormais à l’accompagner. L’auteur a succès de la série Sillage n’a pourtant pas trop abordé la thématique de 14-18, sinon dans ses deux albums singuliers Le Cœur des batailles et son « super-soldat » noir. Pour
Traces, il a choisi d’évoquer un sujet « local » de la Somme : l’explosion de la mine d’Ovillers-la-
Boisselle.
Picard d’adoption mais Breton d’origine, Régis Hautière, autre scénariste (notamment de la série
La Guerre des Lulus) a également été marqué par une anecdote familiale, celle d’un oncle ayant bénéficié d’une permission extraordinaire en raison des problèmes de santé de sa femme et qui rentra dans son village… quelques heures après l’enterrement de son épouse.
En l’absence de souvenirs familiaux, comme Mary Talbot (dont le grand-père, professeur, ne combat- tit pas), il convient de trouver d’autres mémoires. Par exemple ici, pour le couple d’auteurs qu’elle
forme avec son mari Brian, ce sera celles des suffragettes britanniques. Avec un travail basé sur des documents et photos d’époque soigneusement et fidèlement resti tuées par le dessin.
Entrer en empathie avec le sujet
Au-delà de la reconstitution, l’intérêt de la bande dessinée est aussi d’être un médium « capable de représenter le monde et de tout raconter », comme le note Riff Reb’s, mais aussi de pouvoir, par l’alliance du dessin et du texte, de « communiquer des idées compliquées de manière simple », pour Mary Talbot. Un « excellent médium pour raconter des histoires », selon Charlie Adlard (dessinateur de la série Walking Dead et, sur 14-18, de l’incontournable Mort blanche). Et cet art séquentiel, où une bonne partie du récit se fait entre les cases, peut donc « toucher par la
tête et par le cœur », comme le souligne Robbie Morrison (scénariste, entre autre, de La Mort
blanche, car le lecteur « fabrique 90 % de l’histoire, ce qui permet de ressentir intimement, de rentrer en empathie avec ce que l’on lit ». Et c’est bien l’un des enjeux, de la Première Guerre
mondiale, dont les souvenirs directs ont désormais disparu.
Un récit complémentaire aux livres d’Histoire
De cette réflexion, de cette introspection, le scénariste Kris (auteur de la série-phare sur 14-18 Notre-Mère la guerre) a fait naître pour Traces, un récit original et décalé, histoire d’amour à sa compagne au fil des gares TGV édifiées dans les no man’s land des ex-champs de batailles, en Haute-Picardie, dans la Meuse ou en Champagne. Une histoire personnelle mais aussi « à la rencontre des écrivains de la Grande Guerre ». Dans ce récit en noir et blanc, rendant hommage aussi au talent de dessinateur réaliste de Juan Diaz Canales (surtout connu comme scénariste de Blacksad), Kris souligne aussi que, finalement, les traces les plus forts des conflits passés se retrouvent dans la littérature, dans les romans… ou les bandes dessinées. En cela la BD peut venir compléter les livres d’histoire. Avec parfois même plus de puissance parfois. C’est le cas avec ces Traces.
C’est aussi le cas, sur des registres différents, avec les albums que nous évoquerons les jours prochains : l’ultime album de la saga de l’Ambulance 13, l’adaptation en bande dessinée du récit de Louis Barthas ou la réédition de la Véritable histoire du soldat inconnu de Tardi.
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