Les carnets de guerre de Louis Barthas, 1914-1918, adaptation graphique de Fredman. Editions La Découverte, 288 pages, 24,90 euros.
Les Carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914-1918 sont désormais un “classique” sur la guerre de 14-18 “vu d’en bas”. Originaire du Minervois, dans l’Aude, Louis Barthas est re-mobilisé à l’âge de 35 ans en 1914. Il va connaître tous les fronts, la Champagne, la Somme, Verdun. Soldat, puis vite caporal dans l’infanterie avant de basculer dans l’artillerie légère. Quatre ans de combats avant d’être évacué, en mars 1918 et de dormir pour la première fois dans un lit depuis 1914 !
Engagé très tôt dans le syndicalisme agricole, puis dans le mouvement socialiste, Barthas n’est jamais dupe des discours “patrioticards”. Il conte une guerre à hauteur d’hommes, dans le rang. Décrivant méticuleusement ses déplacements de campagne, ses différentes affectations, mais aussi des séquences fugitives de fraternisation, nées de l’absurdité de cette guerre des tranchées où les deux camps s’observent parfois à quelques mètres de distance. Il décrit aussi, magnifiquement, une séquence de révolte, au printemps 1917, après le massacre du Chemin des Dames. Mais sans idéologie, de façon plutôt factuelle.
Cette vision de la guerre fut contestée, lorsque le livre parut, retrouvé et édité par l’historien Rémy Cazals en 1977. Elle est aujourd’hui largement admise. Mieux, même, sans être réellement militant, ce texte a permis d’inscrire dans la réalité mémorielle cette dimension de fraternisation et de paix à laquelle aspirait Barthas.
Depuis trois ans, près d’Arras, grâce à la mobilisation associative portée par le cinéaste Christian Carion, le souhait de Louis Barthas de voir un jour dans ce coin de l’Artois s’élever “un monument pour commémorer cet élan de fraternité entre des hommes qui avaient horreur de la guerre et qu’on obligeait à s’entretuer malgré leur volonté” est même devenu réalité. Et le monument a été inauguré, en 2015 à Neuville-Saint-Vaast (dans le Pas-de-Calais), en présence du Président de l’époque, François Hollande.
Ces Carnets ont notamment inspiré en partie Kris pour sa série Notre-Mère la Guerre. En cette fin de centenaire, ils ont motivé aussi cette adaptation graphique, réalisée par Fredman (auteur de La Vie secrète). “Adaptation graphique” plus que bande dessinée, dans la mesure où le texte original – à travers de très nombreux extraits des Carnets – s’impose toujours sur le dessin. Dans quelques planches, il se fait même envahissant au point de ne laisser aux images qu’un rôle d’arrière-plan accessoire. Et l’album ne compte quasiment aucun phylactère.
Se résumant ouvertement à illustrer le texte de Louis Barthas, le travail de Fredman peine à s’imposer dans les nombreuses petites cases d’un album au format assez petit, qui plus est. Son trait sait pourtant être émouvant, et sensible, comme l’illustre la couverture et ce Louis Barthas qui regarde le lecteur ou d’autres planches pleine page laissant au dessin plus d’espace pour s’exprimer.
Mais malgré cette position en retrait assumé, le traitement graphique au trait un peu jeté, joliment rehaussé à l’aquarelle dans les teints majoritairement bistres crée un climat adéquat à la lecture.
En cela, ce “récit graphique” répond bien à son objectif, d’offrir une “seconde vie à ce livre d’exception“, comme le souligne – avec justesse – l’éditeur, et de “le faire découvrir à une nouvelle génération de lecteurs, tout en respectant scrupuleusement l’esprit du texte originel”.
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