Alors que la saison des prix est enclenchée pour l’ACBD, retour sur le premier prix – chronologiquement – de la vague à venir: le 4e prix ACBD-Québec.
Vogue la Valise, l’intégrale, Siris. Editions La Pastèque, 352 pages, 25 euros.
Nouvelle déclinaison géographique du prix ACBD (comme l’est le prix Asie), le prix ACBD-Québec permet de mettre en lumière, depuis quatre ans des albums d’auteurs de la “Belle province”, et des albums de belle facture. C’est encore le cas, cette fois, avec Vogue la valise, de Siris, à qui le prix devait être remis ce 16 novembre, dans le cadre du Salon du livre de Montréal.
Au Québec, Siris est une figure connue du milieu de la bande dessinée, apparemment. Sa notoriété traversera peut être l’Atlantique pour l’occasion. Mais surtout, à travers cette intégrale, il se dévoile de façon touchante, dure mais non sans autodérision.
Débutée en 2011, cette chronique largement autobiographique d’une enfant souffre-douleurs, balloté d’une famille d’accueil à une autre est désormais réunie dans un gros pavé de près de 400 pages.
Il en fallait bien autant pour conter l’enfance de “La Poule”, selon le curieux nom attribué au dernier rejeton de la famille Sioris, alter ego de l’auteur.
Le père, Renzo, n’est pas foncièrement mauvais bougre, rescapé miraculeusement d’une chute de bateau (ainsi que le montre l’introduction assez déstabilisante), mais il est surtout profondément alcoolique et totalement incapable de gérer sa famille nombreuse. La mère, Luce, fait de son mieux, mais pas facile d’élever quatre enfants – puis bientôt cinq avec l’arrivée de La Poule – dans la misère, lorsque le peu d’argent du couple se dissipe surtout dans les volutes d’alcool. Et c’est ainsi que dès ses 3 ans, la Poule se retrouve placé par les services sociaux.
Sa première famille d’accueil est pourtant bien trouvée, mais la gentille dame qui en a la charge va avoir un bête accident d’escalier. La suite sera moins rose, jusqu’à l’arrivée chez les Troublant, ou il devient quasiment le domestique-esclave de la maison, méprisé par le père, mécano, qui entend lui faire apprécier son métier et, surtout, le sortir de sa passion pour le dessin puis la musique. Une échappée belle qui lui permettra de survivre pendant plus de dix ans dans cette famille de Thénardier et de faire acte de résilience. Jusqu’à la réalisation de cet impressionnant recueil.
Sirius brosse à travers son itinéraire un portrait convaincant du Québec des années 60 aux années 80 (sans oublier tout le charme du parler québecois, ce “joual” si réjouissant vu d’ici, restitué dans une langue vivante et toujours parfaitement compréhensible). Il ne tombe jamais non plus dans le mélo. Et c’est l’autre aspect impressionnant de ce travail, cette capacité de recul et de détachement (comme avec la valise qui donne le titre à l’album et dont on saisit tout le sens à la fin), à l’aide d’un dessin caricatural au style underground et une histoire emplie d’autodérision, voire de drôlerie. Ce ton n’empêche pas de ressentir une vraie émotion à la lecture de cette enfance et adolescence d’un “vilain petit canard” parvenu, à force de volonté à se sortir de cette voie difficile.
Cette reconnaissance critique est en tout cas pleinement méritée. Reconnaissance multiple, même, puisqu’au printemps, Vogue la valise avait déjà été sacré meilleur album de bande dessinée des Bédéis Causa, prix littéraires célébrant le 9e art d’ici et d’ailleurs, puis avec le prix Bédélys Québec 2018.
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