Courtes distances, Joff Winterhart. Editions ça et là, 128 pages, 24 euros.
A 27 ans, Sam, un jeune Anglais se remet de quelques déconvenues universitaires et professionnelles et se retrouve réduit à retourner vivre chez sa mère. Passablement indolent, voire dépressif, il accepte néanmoins un petit job avec un lointain et inconnu cousin germain: Keith Nutt. Un étrange personnage, poussant la coquetterie à conduire une voiture à conduite à gauche (oui, on en est en Angleterre !). Il exerce une activité assez vague de distribution et livraisons de ventilation et filtres. Entre le quinquagénaire aux cheveux d’argent, perpétuellement accompagné par sa petite chienne Cléo et plutôt bourru et le post-adolescent nonchalant, le premier contact est plutôt rude. Et Sam est surtout fasciné… par la densité des poils de narine ressemblant à de la moquette de Keith.
Mais progressivement, au fil de journées toutes semblables où ils effectuent une tournée des entreprises du coin, durant laquelle Keith fait signer des papiers tandis que Sam reste dans la voiture, parfois avec le chien, les deux hommes vont apprendre à se connaître et, quelque part, s’apprécier. Sam va aussi découvrir le monde de Keith, ses amis, ses rituels et il va découvrir quelques figures locales.
Ce livre de l’Anglais Joff Winterhart avance au même rythme, ralenti, que celui de Sam, aux airs de “grand Duduche” triste. Et avec ses tronches d’un réalisme outrancier, souvent captées en gros plan et son format carré assez rigide, comme le gauffrier de ses planches, ces Courtes distances peuvent sembler au prime abord aussi abruptes et rugueuses que Keith Nutt. La tonalité bleutée et métallique dominante renforce encore cette impression de dureté.
Mais, tout comme Sam se concentre et s’attache sur des détails pour en tirer toute leur richesse, le lecteur pénètre doucement dans cet univers si banal et quotidien, fait d’ennui mais aussi d’une certaine forme d’empathie envers les personnages. Et une complicité naissante entre les deux personnages, dont l’un n’a finalement pas moins de faiblesse que l’autre. Alors, certes, les 128 pages apparaissent quand même parfois un brin longuettes, avec un faux-rythme accentué par la narration en bonne partie assurée par des récitatifs venant illustrer les pensées de Sam. Mais, une fois refermé le livre, et là encore comme son jeune acteur, on conserve une certaine nostalgie mélancolique de tous ces gens croisés au fil des pages. Et de cette tranche de vie britannique au sein de la middle class d’une petite ville banale, sans rebondissements spectaculaires, mais avec une vraie densité émotionnelle.
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