3 rêveries: homo temporis, homo logos, homo faber, Marc-Antoine Mathieu. Editions Delcourt, 34,90 euros.
Attention, il ne s’agit pas là d’un album de bande dessinée, même expérimental, mais d’un “poème graphique où se déploie le triptyque des créations humaines que sont le temps, le faire et la pensée“, comme le précise l’auteur dans la présentation de ces 3 Rêveries.
Pas d’objet-livre donc, mais trois éléments intimement liés au trait, au dessin et à l’art séquentiel, sous des formes différentes. Trois rêves dont chacun a reçu sa “forme imprimée idéale“.
Le premier, “homo logos”, est cette fois un rouleau de 7,5 mètres de long (un “volumen”) qui déroule l’histoire de l’accès de l’homme à la connaissance, avec le pari que c’est de la rêverie songeuse, le regard pointé vers le ciel étoilé, que s’est construit l’intelligence humaine, de la conquête initiale du feu jusqu’à un enfant des étoiles à la manière de Kubrick dans 2001 (mais littéralement fondu dans l’espace) ponctué entretemps de l’arrivée de l’alphabet, des chiffres, des équations et de leurs interactions.
Second rêve, “homo temporis” se rapproche le plus d’un livre. Ici, le temps se déroule sous forme d’un leporello de 80 faces, en format à l’italienne où, un peu à la manière de 3 secondes, chaque image renvoie vers la suivante, dans un voyage vertigineux à travers l’espace et le temps.
Enfin, le troisième voyage, “homo faber” réunit un jeu de 17 cartes illustrées et allégoriques sur un homme construisant son nid…
Cette “mise en boîte” évoquant l’humanité à travers la pensée, l’outil et le temps séduit autant qu’il peut intriguer, voire intimider.
L’ensemble est déjà, en tant qu’objet façonné, très esthétique. soigneusement liées d’un bandeau de papier, les trois parties reposent dans leur écrin entouré d’un papier de soie. Graphisme et trait façonnent une vraie symphonie en noir, blanc et dégradé de gris qui sont la marque de Marc-Antoine Mathieu depuis ses débuts.
Fasciné et jouant sur le rapport entre le fond et la forme du récit, de ses premiers albums des aventures de Jules-Corentin Acquefacques jusqu’au dernier ironiquement nommé justement Le livres des livres, Marc-Antoine Mathieu franchit va encore un peu plus loin ici. Après Sens, où il cassait déjà la narration graphique en la tirant vers l’abstraction, il s’extraie de la contrainte formelle du déroulé de pages reliées entre elles. Ici, le lien se fait plus poétique, libre, à appréhender dans le sens que l’on entend (un peu à la manière des Building Stories de l’Américain Chris Ware).
Le risque, avec une telle déstructuration, est que le sens se perde dans l’hermétisme. Mais l’expérience, de perception autant que de lecture, vaut la peine d’être tentée.
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