Virus, tome 1: Incubation, Sylvain Ricard (scénario), Rica (dessin). Editions Delcourt, 136 pages, 18,95 euros.
Ils pensaient trouver Guillaume Roblès dans son appartement mais le laborantin a quitté la terre ferme pour se ressourcer et faire la fête en croisière à bord du paquebot Babylone of the seas. « Ils », ce sont les membres d’une unité d’intervention spéciale. Des gros bras du gouvernement français qui le recherchent dans le cadre d’une affaire très sensible, menaçant la sécurité du pays pour ne pas dire celle du monde.
Porteur d’un virus mortel, Guillaume se sait recherché mais le jeune homme n’en a cure, préférant fréquenter les bars du bateau et fricoter avec la belle et peu farouche Emma rencontrée au large des côtes françaises. A Paris, le ministre de la Santé va mal. Il est convoqué à une réunion avec « les gars » de l’Intérieur, de la Défense et de la Présidence.
Telle l’une des sept plaies d’Egypte, une extraordinaire crise sanitaire est en approche. Un agent pathogène, dérivé des virus H5N1 et de la variole, extrêmement contagieux et mortel, s’est « échappé » – en même temps que Guillaume – d’un laboratoire de recherches. Pour l’heure, le virus, dont le vaccin reste à trouver, est isolé en pleine mer sur le Babylone of the seas. Mais les jours des 2500 participants à une techno party célébrant le solstice du premier jour de l’été sont, eux, bel et bien comptés. Tout comme ceux des 2 500 membres d’équipage… Très vite, le bateau se transforme en endroit de mort.
Seb, preneur de son pour la chaîne Abuzz TV est la première victime. Pris d’étourdissement, de maux de ventre et de vomissements, le technicien s’éteint en à peine quelques minutes, dans d’atroces souffrances. A bord, les cas se multiplient. La peur, l’incompréhension et la panique envahissent le paquebot. Le président de la République Hervé Levalle est informé de la situation en temps réel. Le chef de l’Etat doit prendre une décision, la plus difficile de son mandat. Pour sauver des milliards de personnes, sera-t-il prêt à en sacrifier plusieurs milliers ?
Du suspense, de l’action, une tension constante et le début d’une romance. Le premier tome de Virus, imaginé par le prolifique Sylvain Ricard, fait dans l’efficacité. La bande dessinée nous plonge dans un thriller épidémiologique plutôt réaliste, loin d’être farfelu. Il faut dire que l’auteur sait parfaitement de quoi il parle, lui qui fut ingénieur biologiste moléculaire durant la première partie de sa vie professionnelle avant de se lancer, à temps plein, dans l’écriture de scénarios de bande dessinée (il a publié une trentaine de livres dont Banquise, Motherfucker ou encore On a mangé Zidane et a cofondé La Revue dessinée et Topo).
Si le point de départ de l’album ne fait pas forcément dans l’originalité, on entre rapidement dans l’histoire. Sans temps mort, on suit le personnage principal dont on ignore les motivations exactes. De nombreuses questions restent effectivement en suspens tout au long de ce tome. On ignore par exemple pourquoi il a quitté le labo où il travaillait en emportant le virus et toutes les recherches attenantes. A bord du Babylone of the seas, où il s’est réfugié, on fait ensuite connaissance avec toute une galerie de personnages, parfois stéréotypés comme cette équipe télé venue couvrir la rave party géante.
La mayonnaise prend bien et on prend un plaisir (malsain il faut bien l’avouer) à voir passagers et membres d’équipage lutter vainement contre le virus. Un virus que le gouvernement veut éradiquer par tous les moyens.
La fin justifie-t-elle les moyens ? C’est la lancinante question qui taraude les dirigeants du pays (et le lecteur). Pour l’heure, ils choisissent de contenir l’épidémie mais les navires de guerre se rapprochent et ne laissent augurer rien de bon dans le tome 2 qui s’annonce tout aussi palpitant.
A noter que la bande dessinée est enrichie d’un dossier complet sur les virus en tout genre utilisés comme armes biologiques dans notre monde contemporain. On apprend ainsi que le président américain Donald Trump a autorisé en décembre 2017 la reprise des recherches sur des virus mortels. Pas étonnant venant de ce sinistre individu mais qui fait froid dans le dos… On y trouve aussi en bonus quelques magnifiques pages du tome 2. Ce n’est pas tout puisque le récit de Sylvain Ricard est superbement servi par les dessins soignés, en noir et blanc, de Rica vu dans UCT, Minus, E dans l’eau, Tribute to Popeye… Le Dunkerquois est aussi bon pour dessiner les scènes d’action ou les simples portraits dans un style semi-réaliste et très expressif. Bref, on se laisse volontiers contaminer par ce Virus.
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