Comme pour la santé, c’est lorsqu’on ne l’aura plus que l’on prendra conscience de l’importance du Pskipopat. Le “mensuel familial venu au monde par miracle” de la tribu Carali va s’arrêter avec ce numéro n°314. Une quarantaine d’années après sa création.
Je mentirai en disant que j’en étais un fidèle lecteur. Mais, ponctuellement, il m’arrivait de l’acheter en kiosque. Rarement déçu, j’en avais toujours pour mon argent. Je me souviens encore, avec émotion, d’un numéro spécial sur les journalistes qui fait autorité sur le sujet ! L’avant-dernier numéro, déjà collector, en décembre, avait consacré son dossier à la GPA et la PMA avec un joli dessin de Carali en couv’. Depuis quelques années, le mensuel satirique avait en effet pris une tonalité plus d’actu, à mi-chemin de Fluide glacial (désormais de plus en plus seul sur ce créneau) et de Siné Mensuel. On y retrouvait avec plaisir, en plus du “boss”, quelques fidèles de la maison: Caritte, Rifo, Jean-Luc Coudray (en dessin mais aussi en chroniques réjouissantes).
L’ultime numéro, en ce mois de janvier, édition spéciale de 100 pages (pour 8 euros) conserve cette logique, en un vrai festival. Côté “dossier” – consacré bien sûr au Pskikopat, beaucoup de dessinateurs évoquent leur nostalgie d’un temps passé (comme Lewis Trondheim) ou s’imaginent en précurseur visionnaire (comme Jean-Claude Menu), d’autres préfèrent l’autodérision (tels Sanaga ou Sintès) ou l’évocation à rebours d’un projet de journal de dessinateurs fabuleux (Caritte). Fabien Toulné ou J.Guyot se font plus directs pour remercier Carali, Mélaka et Olivier Ka, évoquant son premier contact ému avec son fondateur, etc. Beaucoup d’autres encore y vont de leurs dessin (Troud, Flock/Bar, Madaule, Kurf – avec un joli dessin de Carali en Jim Morisson entonnant “This is the end”…). Les chroniqueurs habituels sont aussi au top, comme Caza ou Jean-Luc Coudray.

Portée par l’actualité de cette fin d’année, la partie “actus” est aussi un festival plein de Gilets jaunes – et une évocation du mouvement d’une rare finesse parfois, ciblant bien, à travers quelques caricatures, planches ou dessins de presse, les raisons politiques de l’explosion de colère mais aussi ses limites. Et, comme d’habitude, Carali lui même conclue cette “kolossale rigolade” par deux planches-gag au ton gentiment grivois.
Mélaka (fille de Carali, auteure notamment de l’émouvant Sous les bouclettes, roman graphique et autobiographique sur sa mère) et coordinatrice du journal depuis le Tarn où elle réside s’était expliqué fin novembre sur sa page facebook sur cet arrêt programmé. Et Carali avait aussi évoqué la question dans son édito du numéro de décembre ; il y revient de façon plus détaillée cette fois, dans une pleine page, pour repasser le message : cet arrêt est justifié par la lassitude, la crainte de sombrer dans la routine, la fatigue psychologique et le poids aussi du rôle d’éditeur de presse. Et puis, comme le souligne Mélaka en raison de sa conscience politique et écologique (on lui doit, en 2017, avec Reno, une mise en bande dessinée du programme de Jean-Luc Mélenchon): “Imaginez, ce système qui impose de faire fabriquer un nombre déraisonnable d’exemplaires afin de les répartir dans tout le pays par camions, pour ensuite rapatrier tous les invendus et les détruire – et ce, chaque mois ! Le bilan carbone d’une activité de presse n’est pas terrible, il faut l’avouer.”
Le trio du Psikopat annonce préparer “une sorte de suite” à l’aventure (à suivre sur leur page Facebook et sur le site). En atendant, histoire de soulager la conscience de Mélaka, pour le tirage et les invendus de cet ultime numéro, chacun sait ce qui lui reste à faire: aller acquérir ce numéro, forcément encore plus collector. De façon à ce que ce mensuel unique termine sa vie en beauté !
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