La Venin, tome 1: Déluge de feu, Laurent Astier. Editions Rue de Sèvres, 66 pages, 15 euros.
Après le croque-mort d’Undertaker, voici un nouveau personnage fort et atypique marchant dans les traces de Blueberry. Et une figure féminine, même.
Lorsqu’on découvre Emily, en juillet 1900 dans le Colorado, elle semble vouloir fuir le destin tracé pour elle et dévoilé dans un tout premier flash-back, treize ans plus tôt, à la Nouvelle Orléans: une maison de passe et une vie de prostituée comme sa mère. Mais lorsqu’elle débarque à Silver Creek, petite cité minière en plein expansion, c’est pour apprendre que le mari qu’elle est venu épouser est décédé depuis quelques semaines. Coup du sort qui la dirige, de nouveau, vers un saloon et la seule possibilité d’y vendre ses charmes… A moins qu’elle ne vienne là chercher tout autre chose, en lien avec la venue prochaine du gouverneur, candidat aux prochaines élections. Et ce n’est que le début d’une grande poursuite, impliquant bientôt la cavalerie et des détectives de l’agence Pinkerton…
On n’attendait pas forcément Laurent Astier dans ce registre, lui qui avait plutôt oeuvré jusqu’ici dans le registre du thriller contemporain et du roman noir (Cellule Poison, Face au mur), voire du docu-enquête (l’Affaire des affaires avec Denis Robert) et limité ses incursions historiques au réjouissant Comment faire fortune en juin 40. Mais comme il l’explique dans le dossier de présentation de son éditeur “l’envie de western” était là depuis longtemps, nourri de lectures d’enfance de Fumetti italiens et de Blueberry, bien sûr.
On retrouve d’ailleurs cette influence ici, à travers cette plongée superbement dessinée dans l’ouest sauvage, avec ses personnages bien campés, sales gueules et figures archétypales du genre (le patron de saloon, l’éclaireur indien, etc.), restituée dans un style réaliste soigné.
Très classique dans le cadre, cette nouvelle série bouscule aussi le genre avec son héroïne encore pas totalement cernable, mais en tout cas bien décidée à maîtriser son destin et à faire payer ceux qui lui ont fait du mal. Autre glissement, le fait de situer son histoire dans la toute fin du XIXe siècle, alors que l’ouest sauvage se fait progressivement avaler par la modernité industrielle.
Pour un premier album d’exposition (et pour une série annoncée en cinq volumes), l’intrigue est en tout cas déjà très riche, pleine de rebondissements et si des zones d’ombres subsistent, la piste d’une vengeance au long cours semble s’esquisser. Enfin, la double trame parallèle entre l’aventure de 1900 et le flash-back de l’enfance d’Emily reste parfaitement maîtrisée. A l’image de sa belle héroïne, La Venin n’a pas raté sa cible pour l’instant.
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