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Double jeu dans le Belfast de la guerre

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Mon traître, Pierre Alary, d’après le roman de Sorj Chalandon. Editions Rue de Sèvres, 144 pages, 20 euros.

« Le salaud, c’est parfois un gars formidable qui renonce.” Cette phrase, Sorj Chalandon l’a probablement comprise des années après l’avoir entendue. Il rencontre Denis Donaldson à la fin des années 70 dans les toilettes d’un pub de Belfast. Dehors, la guerre civile entre protestants et catholiques fait rage. Donaldson est un activiste de l’armée républicaine irlandaise (IRA), Chalandon un journaliste de Libération.

Dans l’album de Pierre Alary, Denis est Tyrone, Sorj est Antoine, un jeune luthier parisien en quête de sens. Les deux se lient d’amitié, soudés par une réalité noire comme la tourbe, amère comme une gorgée de Guinness. Denis est exemplaire par la force de ses convictions, la noblesse de sa cause, la légitimité de son combat. Un père spirituel. Un traître aussi.
Donaldson, alias Tyrone Meehan, a servi d’informateur aux Anglais pendant plus de deux décennies.

On imagine alors le suspense, la pression du double jeu, la crainte permanente d’être démasqué… Mais Mon traître n’est pas bâti sur le secret. Il n’y a pas de suspense (enfin peu). Juste des hommes et des femmes, confrontés à la nécessité de résister. Jusqu’à quel point? C’est toute la question. D’arrestations en représailles, d’obsèques en interrogatoires, chaque camp compte ses morts. Comme les années passent, la guerre use les âmes. En silence, certains héros autrefois acclamés par les leurs renoncent et deviennent des salauds…

Cette histoire vraie a valu à Sorj Chalandon un beau succès de librairie, une adaptation théâtrale et désormais une déclinaison en bande dessinée, sous le crayon de Pierre Alary, à qui l’on doit notamment le très beau Moby Dick sorti en 2014. Cet album, à nouveau,montre sa grande capacité à se glisser dans les pas d’un auteur. Les regards, les couleurs, les silences… tout est là pour exprimer l’amour et la douleur, celle d’une amitié trahie.

Mon traître est enfin une formidable occasion pour la génération Ryanair de mesurer que l’Irlande n’a pas toujours été un parfait décor de carte postale (ou un paradis fiscal pour multinationales), et que les cicatrices de ce conflit ne sont pas toutes refermées.

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