La petite bédéthèque des savoirs, tome 18 : le conflit israelo-palestinien,
Vladimir Grigorieff (texte), Abdel de Bruxelles (dessin). Editions Le Lombard, 104 pages, 10 euros.
Falafel sauce piquante,
Michel Kichka. Editions Dargaud, 88 pages, 21,90 euros.
Israël revient périodiquement s’imposer dans l’actualité française, souvent associé aux questions de l’antisémitisme, de “l’antisionisme” ou des Palestiniens. Et généralement de façon exacerbée, comme tout récemment encore, après l’agression antisémite dont a été victime Alain Finkielkraut, en marge d’une manifestation des Gilets jaunes. Sujet sensible et approche idéologique, souvent biaisée, dominent donc. A l’encontre de ces dérives, deux bandes dessinées plus ou moins récentes, apportent un regard apaisé et empathique sur cette question.
Expliquer en 86 planches de bande dessinée la longue et complexe histoire du conflit israelo-palestinien apparaît bien illusoire. Et surtout de façon « non-partisane » ? David Vandermeulen, directeur de la collection avait bien conscience de « l’impossible pari » tenté ici par la Petite Bédéthèque des savoirs, au printemps 2017.
Pour y parvenir, l’encyclopédie en bande dessinée des éditions du Lombard, a fait appel à Vladimir Grigorieff, au travail reconnu de vulgarisateur des religions notamment.
Dans une approche classiquement chronologique, l’ouvrage aborde trois grandes périodes, d’inégales longueurs historiques et pagination, en rappelant d’abord la situation de la Palestine sous l’empire ottoman, puis sous le mandat britannique (1920-1948) et enfin depuis 1948, partie occupant la moitié du livre.
Alternant une illustration minimaliste et un peu naïve avec certaines planches hyperéalistes, le dessinateur belge Abdel, permet d’aténuer la dureté des épisodes évoqués tout en rendant le tout clair et facilement compréhensible. Avant une conclusion utopique et assumée comme telle, voyant dans la tradition de “paix, de justice, de miséricorde et de pardon” de l’islam et du judaïsme une possibilité de “sortir du carcan idéologique en apportant une approche plus humaine à ce conflit tragique“.
Une approche “plus humaine” (et moins religieuse), c’est justement celle de Michel Kickka avec Falafel sauce piquante, paru à l’automne dernier. L’auteur d’origine belge entreprend peu la même démarche, après avoir conté sa vie de “fils de rescapé de la shoah” dans Deuxième génération, à travers cette fois un témoignage personnel et autobiographique.
C’est donc l’histoire d’un jeune Belge, né dans une famille de juifs ashkénazes émigrés de Pologne. Un jeune homme passionné de dessins et de BD qui, a la suite de sa soeur et après plusieurs séjours en kibboutz va décider de faire son « alya », son “retour en Israël” ou, pour lui, plutôt un aller simple. Mais sans motifs religieux, comme il l’explique et le montre dans une planche limpide (ci-dessous).
C’est de Jerusalem qu’il vivra tous les grands traumatismes politiques et militaires vécus par son pays d’adoption ; c’est là aussi qu’il fera sa vie, y rencontrant sa femme, militante de la Paix maintenant. Ils vivront, et bientôt leurs fils avec eux, ainsi la lente dérive politique d’Israel, jusque vers l’inextricable situation actuelle. Un état des lieux évoqué à travers la confrontation entre la grande histoire du pays et la sienne propre, ou les échos d’ailleurs, comme cette discussion, en janvier 2015, avec un chauffeur de taxi arabe, juste après l’attaque contre Charlie hebdo.
A ce dernier qui estime “qu’ils sont allés trop loin” et qui lui demande si cela lui “ferait plaisir si je dessinais votre Moïse pissant sur les Tables de la Loi“, Kichka se dessine lui répondant : “Cela ne me ferait sûrement pas plaisir, mais je ne vous tuerais pas à la kalachnikov à bout portant pour ça“. Et l’échange s’achève sur le chauffeur de taxi qui le remercie pour cette conversation et assure être “désolé pour vos amis“.
Par ailleurs membre de Cartooonists for peace, l’association de Plantu, Michel Kichka veut croire, lui aussi, à une possibilité de coexistence pacifique sur cette terre ; une terre où, devenu grand-père, reposent désormais ses ancêtres et où ses rêves et ses espoirs ne sont pas morts. Il le fait, ici encore, avec un humour modeste et sincère, à travers un dessin un peu cartoon et léger.
Ce deux albums n’ont pas la prétention d’apporter de solutions ou de réponses au conflit israélo-palestinien (bien malin qui pourrait aujourd’hui y prétendre), mais au moins d’expliquer comment on a pu en arriver là.
Autant dire qu’ils risquent de rester d’actualité encore un certain temps.
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