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Double regard poignant sur l’avortement

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Il fallait que je vous le dise, Aude Mermilliod. Editions Casterman, 168 pages, 22 euros.

Ce qu’il fallait qu’elle nous dise, Aude Mermilliod, c’est comment elle a avorté, voilà huit ans. C’était à Bruxelles, elle avait 24 ans, vivait d’un job de serveuse. Après une relation passagère torride, et bien que portant un stérilet, elle se retrouve parmi les “0,6% de chances” qui tombent malgré tout enceintes. La décision s’impose vite à elle. Célibataire, sans compagnon, l’IVG lui apparaît la seule décision envisageable. Ce qui ne veut pas dire qu’elle soit facile à prendre.
Bien qu’entourée par sa famille, ses amis, elle va souffrir, angoisser…

Six ans plus tard, alors qu’elle commence à écrire un scénario de BD sur le sujet, elle décide de rencontrer l’écrivain et médecin Martin Winckler, après la lecture de son livre Le Choeur des femmes. Marc Zoffran, de son vrai nom, médecin généraliste qui en est venu, lui, à “filer un coup de main aux femmes“, avant de mettre par écrit ses expériences et théoriser sa pratique. Celui-ci raconte à son tour comment il a dû apprendre à accompagner les femmes qui franchissaient la porte du centre. Il en profite aussi pour saluer le rôle joué par une aide-soignante qui lui a fait prendre conscience de toute la dimension de ses actes. Prolongement, dans les années 70 et 80 du récit historique qu’avaient déjà contés Alain et Désirée Frappier dans Le Choix.

Livre témoignage, livre sur un avortement mais aussi sur l’avortement en général, récit à deux voix entre le parcours personnel d’une femme ayant eu un IVG et celui d’un médecin, ce roman graphique est aussi sobre dans sa forme que bouleversant.

Se mettant en scène sans tabous, Aude Mermilliod se livre crûment. Elle raconte la stupéfaction, l’angoisse, la culpabilité, la solitude, la souffrance physique et morale. Certaines pages sont très émouvantes, comme celle décrivant l’échographie préalable à l’IVG, d’autres violentes et fortes telle la double page saisissante d’évocation de l’avortement en lui-même.

Aude Mermilliod ne recherche pas la performance graphique ni le récit coup de poing. Elle décrit aussi des instants de vie drôles, chaleureux, très intimes parfois. Le dessin est efficace, les couleurs pastel, douces et chatoyantes.

Comme elle s’en explique, en quatrième de couverture, Aude n’a jamais regretté son choix, mais a été bouleversée par sa décision. Elle parvient fort bien ici à restituer ce tourbillon des sentiments et des sensations. Sans porter de jugement. Sans, surtout, asséner un discours en surplomb, mais simplement apporter un témoignage personnel, dans l’espoir que celui-ci “sera utile et rassurant pour d’autres“. Qu’il puisse “amener du réconfort et aussi donner des clés aux hommes qui accompagnent les femmes” dans ces moments-là. Ce sera sans doute le cas. Et, plus largement, c’est un livre où chacun, quel que soit sa situation et son sexe, pourra lire avec intérêt. Et non sans émotions.

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