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Luz redonne son axe aux Misfits et met Marilyn Monroe en colère

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Hollywood menteur, Luz. Editions Futuropolis, 112 pages, 19 euros.

C’est un livre né d’une obsession et d’une interrogation. L’obsédante fascination de Luz pour le film Les Misfits (Les Désaxés), avec un casting incroyable: Marilyn Monroe, Montgomery Clift, Clark Gable, Arthur Miller au scénario, John Huston derrière la caméra et le spectre de James Dean qui plane sur le désert du Nevada. Ce film, l’ex-dessinateur de Charlie hebdo explique à l’envi l’avoir découvert avec sa femme dans un cinéma du quartier latin puis l’avoir vu et revu en boucle sur son ordinateur, la nuit, en donnant le biberon à sa fille.
L’interrogation, elle est née du fait de ne jamais voir Marilyn en colère à l’écran. Alors, après Catharsis et Indélébiles, Luz se replonge dans une autre tranche d’histoire et en révèle les coulisses.

Le film, c’est connu, est l’histoire d’une jeune divorcée qui va se lier d’amitié avec un cow-boy vieillissant, un mécanicien brisé et un cavalier de rodéo usé sur fond de chasse aux mustangs sauvages dans le Nevada. Un adieu au western classique à la légende noircie par la mort de Clark Gable quelques semaines après la fin du tournage.

Le tournage, justement, a lieu près de Reno, dans le Nevada, dans la chaleur de l’été 1960. Et rien ne va se passer comme prévu. Marilyn Monroe est en train de rompre avec Arthur Miller, qui scénarise le film (et le réécrit encore en plein tournage), elle espère porter l’enfant d’Yves Montand comme elle le confie à Montgomery Clift – addict comme elle aux cachetons qui font oublier – avant une cruelle désillusion et cherche à s’échapper du rôle dans lequel on l’enferme. Monty, lui est toujours mené par ses pulsions homosexuelles et hanté par l’accident de voiture dont il a miraculeusement survécu, sauvé – sordidement – par Elizabeth Taylor qui lui a retiré ses dents cassées qui l’étouffait. Clark Gable, à l’inverse, en alter ego de John Wayne apparaît plus solide, mais flirtant toujours avec le ridicule… Et les nombreuses absences de Marilyn, victime d’endometriose (comme Luz le révèle ici)

Publié en partie épisodes dans Les Cahiers du Cinéma, (on reconnaît ces planches-là au titre “The misfits” en haut de la page), Hollywood menteur prend toute sa dimension haletante, suffocante parfois dans cette centaine de planches qui se lisent d’une traite, happé que l’on est par l’ambiance délétère du tournage, les tensions dans l’équipe, mais aussi les révélations (réelles ou romancées) qui surgissent au fil des pages. La séquence inaugurale, avec un Monty Clift en sueur, à la veille de sa mort, en 1966, dialoguant avec un cheval parlant avec la voix de Marilyn depuis la porsche crashée de James Dean, donne le ton.

Entre passion dévastatrice, dépression abyssale, délires fantasmatiques et chronique d’un cauchemar annoncé, on découvre, fasciné, l’envers d’Hollywood. Et quoi de mieux que ce faux western pour évoquer les faux semblants et les mensonges à l’oeuvre.

Dans la lignée d’Indélébiles, Luz soigne les caricatures de ses personnages, portés par un trait fiévreux. Et c’est moins dans le dessin que dans leur attitudes qu’ils sont tous caricaturaux, reflétant finalement bien le titre français du film : tous “désaxés”. Clark Gable en macho ridicule, Montgomery Clift fracassé et perdu dans ses désirs homosexuels réfrénés, Arthur Miller en graphomane monomaniaque, Paula Strasberg, la “coach de Marilyn”, en espèce de Carmen Cru Actors studio. Finalement, John Huston s’en tire un peu mieux avec sa désinvolture.

Mais dessiner Marilyn Monroe pouvait apparaître comme un défi à lui seul. Ici, elle est loin de l’image glamour des magazines, bien plus proche de la “Sainte Marilyn, vierge des désirs défoncés“, comme la décrit Virginie Despentes dans la très intéressante postface qui clôt l’ouvrage. Elle apparaît étouffée, corsetée dans le rôle que le monde – et son mari du moment – veut lui faire jouer, beauté troublante et icône de l’Amérique. Jamais tout à fait la même sous la plume de Luz – et parfois même assez méconnaissable – mais incroyablement touchante. Déformée par le dessin pour mieux lui restituer son authenticité. A l’image de ce nouveau grand livre (et pas seulement par le format), très documenté semblerait-il, et d’une criante vérité en tout cas.

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