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Transperceneige, le début de la fin

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 Transperceneige, Extinctions, tome 1, Matz (scénario), Jean-Marc Rochette (dessin). Editions Casterman, 96 pages, 18 euros.

Série culte et marquante des années 80, le Transperceneige de Jacques Lob puis Benjamin Legrand et Jean-Marc Rochette a connu son épilogue et sa fin voilà quatre ans avec Terminus, scénarisé par Olivier Bocquet. Place désormais au début de l’histoire, avec cette fois la patte de Matz côté scénario.

En ce début du XXIe siècle, la planète s’épuise, l’humanité court vers sa fin et les tensions s’accentuent, en lien avec l’accroissement des dérèglements climatiques mais aussi des inégalités sociales. Dans ce climat de radicalisation, les “Wrathers”, écolo-terroristes ont décidé de cibler les responsables : braconniers et chasseurs d’éléphants, industriels pétroliers sans vergogne. Quitte à multiplier le nombre de victimes.

D’autres se préparent plutôt à survivre dans ce nouvel environnement chaotique, le marché des bunkers explose et le survivalisme fait des adeptes. Un milliardaire chinois, M. Zheng, a lui le projet singulier de faire construire un train gigantesque, basé sur son principe révolutionnaire de moteur à mouvement perpétuel, afin de pouvoir demeurer tout le temps en mouvement autour de la planète, seul moyen de fuir les catastrophes.

Un autre mouvement, les “Apocalypsters”, basé dans la forêt amazonienne a une approche encore plus radicale. Pour eux, influencés par un vieux chef indien, il s’agit de “passer à la vitesse supérieure“, c’est-à-dire “purger la terre des milliards d’hommes qui l’encombrent et la polluent et qu’elle ne peut plus nourrir“. Et ils préparent pour cela une vaste opération d’attentat nucléaire mondial…

Un train gigantesque roulant sans fin dans un paysage post-apocalyptique de nouvelle période glaciaire. L’impact de cette image – glaciale à tous les sens du terme – du Transperceneige a traversé les années. Et elle a même acquis une audience de masse avec l’adaptation cinématographique Snowpiercer de Bong-Joon-Ho (plutôt honnête et fidèle à l’esprit des albums, d’ailleurs).

Depuis le premier album, la série est chargée aussi des peurs et des préoccupations dominantes du moment. La première trilogie, issue des très politiques années 70, était une forme de parabole de la lutte des classes et d’une révolution – ambiguë – remontant du fond du convoi jusqu’aux wagons de tête pour renverser le pouvoir des nantis. Terminus, son lointain épilogue évoquait déjà plus directement les conséquences de l’exploitation du nucléaire après la catastrophe de Fukushima.

Cette nouvelle trilogie, Extinctions, est encore plus directe et relève plus du thriller que de la métaphore. Elle est plus axée également sur les dérèglements environnementaux et les réflexions des “collapsologues” sur une possible fin de l’humanité. Reflet des angoisses contemporaines sur la fragilité de notre civilisation, que l’on retrouve aussi par exemple dans Bug d’Enki Bilal ou – pour ce qui est des écolos radicaux dans Et nos lendemains seront radieux.
Mêlant plutôt bien le niveau géopolitique global et le récit plus humain et intime (à travers quelques figures comme celle du jeune Jimmy Dozier, candidat au Transperceneige et amené sans doute à voir son rôle s’accentuer dans les prochains tomes ou de l’écologiste Valentina), l’intrigue commence à répondre également à la question restée en suspens tout au long des albums précédents sur l’origine de ce fameux transperceneige. Les éléments de réponse pourront sembler un peu simplistes, mais ils ont le mérite de remettre l’histoire sur ses rails. Et, après tout, l’utopie de M.Zheng, aux faux airs d’Eon Musk, n’est pas forcément si foldingue.

Pour ce qui est du graphisme, Jean-Marc Rochette poursuit dans la lignée de Terminus, avec un trait épais, charbonneux, dans une approche cependant moins picturale et plus lisible. Et le travail de mise en couleur confié à José Villarubia (collaborateur d’Alan Moore ou Richard Corben) amplifie l’ambiance crépusculaire.

Fort de tous ces apports, l’intrigue est en tout cas bien relancée pour ce nouveau voyage au bout de l’enfer, dont la couverture de ce tome 1 offre un bon résumé.

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