Mardi 28 mai 2019
“Le sang a un petit goût sucré-salé. C’est agréable”

Avec sa voix caverneuse, son teint grisâtre et ses yeux enfoncés dans des orbites que dominent des sourcils noirs de jais, Christophe Babault, 48 ans, semble revenir d’entre les morts. Ce n’est pas qu’une image quand on entend son frère, cadet de deux ans, retracer ce que fut leur enfance : «Difficile ? Non, c’est trop faible. Nous avons vécu l’enfer sur terre ». Il évoque des viols, des sévices, des tortures, infligés aux deux garçons et à la petite fille, issus de trois hommes et d’une mère « qui n’en avait rien à foutre ».
29 mai 2019
Babault : “Quelqu’un devait mourir ce jour-là”
Au deuxième jour d’audience à la cour d’assises de l’Oise, la mort d’un innocent est presque apparue comme l’épilogue logique du parcours psychiatrique de l’accusé.

Ce mardi, les jurés ont entendu cinq professionnels de santé qui encadraient Christophe Babault à l’hôpital de Fitz-James. Ils ont dressé le portrait d’un véritable routier de la psychiatrie, incollable sur la pharmacie, spécialiste des thérapies. « Il était souvent plus proche des soignants que des soignés », témoigne une aide-soignante ; un homme qui « voulait sortir mais était incapable de vivre à l’extérieur, et le savait » (un psychiatre) ; un ancien taulard qui idéalisait ses périodes de détention, au point de rêver de la prison comme d’une libération. Jusqu’à tuer un homme choisi au hasard dans le seul but d’échapper à l’hôpital et rejoindre la maison d’arrêt…
Vingt ans de réclusion pour Christophe Babault
Pour Babault, c’était trente ou vingt ans
Mercredi soir, la cour d’assises de l’Oise a condamné Christophe Babault, 48 ans, à vingt ans de réclusion pour le meurtre d’Eugène Berte, 61 ans, le 30 janvier 2015 à Clermont. Babault s’était échappé de l’hôpital psychiatrique de Fitz-James et avoue avoir choisi sa victime au hasard, dans le seul but de quitter la psychiatrie, et de partir en prison.
Vingt ans ? Le quantum de la peine a surpris avocats et magistrats, tant les pronostics, dans la salle des pas perdus, pendant les trois heures et demie de délibéré, tournaient plutôt autour de 25 ans. Or, si Hélène Tortel avait prononcé cette peine, elle aurait tout simplement été dans l’illégalité (ce qui, pour une présidente de cour d’assises, fait mauvais genre, convenons-en).
En cause : l’article 362 du code de procédure pénale. Christophe Babault encourait trente ans de réclusion pour assassinat avec altération de responsabilité. Or l’article dispose que « si le maximum de la peine encourue n’a pas obtenu cette majorité (NDLR : six vois sur neuf), il ne peut être prononcé une peine supérieure (…) supérieure à vingt ans de réclusion criminelle lorsque la peine encourue est de trente ans ». Concrètement, tous les chiffres entre trente et vingt étaient interdits, ce qui limite rudement le libre arbitre des jurés.
Outre que cet article est difficilement compréhensible, il est méconnu des juristes eux-mêmes. Il y a quelques années, une avocate générale d’Amiens avait ainsi requis une peine interdite (25 ans), avant de réaliser sa bourde pendant la suspension d’audience et de réviser sa requête à la baisse.
Plus près de nous, dans un dossier où interviennent les avocats amiénois Ghislain Fay et Guillaume Combes, devant la cour d’assises des Ardennes, un président a commis la bourde que Mme Tortel a su éviter mercredi : en avril dernier, il a condamné, pour meurtre, un homme à 22 ans de réclusion. Depuis, la machine judiciaire se demande comment recoller les morceaux…
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