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Assises de l’Oise. Procès de Christophe Babault pour un assassinat en janvier 2015 à Clermont

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Mardi 28 mai 2019

“Le sang a un petit goût sucré-salé. C’est agréable”

Christophe Babault a exécuté froidement une victime choisie au hasard, dans le seul but d’aller en prison.
LES FAITS
LE 30 JANVIER 2015, Eugène Berte, 61 ans, est égorgé dans son appartement du quartier des Sables, à Clermont.
CHRISTOPHE BABAULT, 48 ans, un ancien patient de l’hôpital psychiatrique de Fitz-James répond depuis lundi de cet assassinat qu’il a revendiqué.
LE VERDICT est attendu mercredi.
Clermont: Un patient de l’hôpital psychiatrique tue un sexagena

Avec sa voix caverneuse, son teint grisâtre et ses yeux enfoncés dans des orbites que dominent des sourcils noirs de jais, Christophe Babault, 48 ans, semble revenir d’entre les morts. Ce n’est pas qu’une image quand on entend son frère, cadet de deux ans, retracer ce que fut leur enfance : «Difficile ? Non, c’est trop faible. Nous avons vécu l’enfer sur terre ». Il évoque des viols, des sévices, des tortures, infligés aux deux garçons et à la petite fille, issus de trois hommes et d’une mère « qui n’en avait rien à foutre ».

Lui s’en est sorti. Christophe n’a pas croisé la lumière. À 14 ans, il a connu sa première hospitalisation en psychiatrie. Jusqu’à ses 44 ans, il ne s’en échappera que pour deux incarcérations et quelques périodes d’errance. Jusqu’à ce 30 janvier 2015 où il profitera d’une permission de sortie de l’hôpital de Fitz-James pour zoner dans Clermont, croiser la route d’Eugène Berte, 61 ans, à Intermarché, monter chez lui dans le quartier des Sables, boire, le tuer, manger, regarder la télé (il adore la série Monk) puis se rendre aux gendarmes.
« Quand il décrit les faits, c’est avec froideur, distance, sans retenue », témoigne l’enquêteur de personnalité. Babault lui a confié : « Vous pouvez dire que je suis un monstre ; en fait, je n’ai pas d’émotion ».
Lorsqu’Eugène a fait sa sieste, il a pris la peine de se mettre torse nu « pour ne pas tacher » ses vêtements, lui a mis un gant de toilette dans la bouche et a visé la carotide. Sur le mur, avec le sang, il a écrit : « C. (ndlr : le nom de son psychiatre) tu vois que je rigolais pas ». Aux gendarmes, il dira avoir choisi sa victime au hasard : « Je voulais quelqu’un de faible mais pas un enfant ou une femme ».
« Il est tombé du lit. Je l’ai regardé mourir, il essayait de reprendre son souffle, retrace-t-il d’une voix monocorde. Je me suis coupé du saucisson sans laver le couteau. J’ai léché la lame. Le sang, ça a un petit goût sucré-salé, métallique. C’est agréable… »
Le 30 janvier 2015, au terme d’une lente préméditation, un homme sans histoire est mort parce que Babault ne supportait plus l’internement : « C’était le seul moyen de quitter l’hôpital psychiatrique, pour que mon psychiatre, qui me pourrit la vie depuis des années, me foute la paix. La prison, au moins, c’est carré. Vous savez ce qu’il y a à faire ou à pas faire. En prison, je peux vivre ma vie, on ne me parle pas comme à un enfant de six mois. Je veux mourir en prison et être libre ».
Le tout énoncé d’un ton calme, dans une langue claire et avec des mots choisis. S’il est fou, Christophe Babault est un fou intelligent.

29 mai 2019

Babault : “Quelqu’un devait mourir ce jour-là”

Au deuxième jour d’audience à la cour d’assises de l’Oise, la mort d’un innocent est presque apparue comme l’épilogue logique du parcours psychiatrique de l’accusé.

LES FAITS
LE 30 JUIN 2015, Eugène Berte, 61 ans, est égorgé dans son appartement du quartier des Sables, à Clermont.
CHRISTOPHE BABAULT, 48 ans, un ancien patient de l’hôpital psychiatrique de Fitz-James répond depuis lundi de cet assassinat qu’il a revendiqué.
LE VERDICT est attendu mercredi.
Clermont : le lieu du crime, résidence des Sables.

Ce mardi, les jurés ont entendu cinq professionnels de santé qui encadraient Christophe Babault à l’hôpital de Fitz-James. Ils ont dressé le portrait d’un véritable routier de la psychiatrie, incollable sur la pharmacie, spécialiste des thérapies. « Il était souvent plus proche des soignants que des soignés », témoigne une aide-soignante ; un homme qui « voulait sortir mais était incapable de vivre à l’extérieur, et le savait » (un psychiatre) ; un ancien taulard qui idéalisait ses périodes de détention, au point de rêver de la prison comme d’une libération. Jusqu’à tuer un homme choisi au hasard dans le seul but d’échapper à l’hôpital et rejoindre la maison d’arrêt…

Christophe Babault est arrivé dans l’Oise en 2004. Après les sévices connus dans l’enfance, il évoluait peu ou prou dans le milieu psychiatrique depuis 1985. « Il ne souffrait pas d’une maladie mentale mais d’un trouble de la personnalité », précise un médecin. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle : « La maladie déstructure une personnalité préalable. Lui, sa personnalité était dégradée dès le début ». De ce patient, il dit encore : «Pendant dix ans, nous n’avons pas eu l’impression d’avoir dans le service un criminel ». En juin 2014, il avait pourtant menacé une aide-soignante de « l’égorger dans la nuit ».
Babault vivait dans un pavillon ouvert. S’il a pu tuer, le 30 janvier 2015, c’est qu’il avait le droit de sortir dans le parc : un parc ni clôturé, ni gardé… « Un hôpital n’est pas une prison », revendique le chef de service. « Le contrat thérapeutique est basé sur la confiance. Si nous l’avons laissé sortir, c’est que pour nous, il n’y avait pas le moindre risque ».
L’ÉCHEC BELGE
Pourquoi Babault a-t-il basculé ce jour-là ? On a appris ce mardi dans quelles conditions la tentative d’habiter un foyer de vie, en Belgique, en 2012, a échoué. « Une éducatrice a voulu me faire visionner un film porno, elle s’était mise en culotte et en soutien-gorge », affirme-t-il. Ça semble rocambolesque mais son psychiatre confirme : « Il y a eu un dysfonctionnement et les Belges, le temps de régler ce problème interne, nous ont demandé de le reprendre. Il a très mal vécu cet échec ».
Un échec, un de plus, pour aboutir à ce jour maudit où « quelqu’un devait mourir », selon l’accusé, que l’on a connu cohérent lundi matin, théâtral l’après-midi et endormi mardi. Ce mercredi, les experts diront à quel point il est responsable de son crime. Le verdict est attendu en soirée.
30 mai

Vingt ans de réclusion pour Christophe Babault

Les jurés ont tenu compte d’une altération de responsabilité du meurtrier d’Eugène Berte, en 2015.
Le code pénal prévoit qu’en cas d’abolition du discernement un suspect ne sera pas jugé, et qu’en cas d’altération du discernement, la peine encourue sera réduite. Christophe Babault, accusé d’un assassinat, risquait la perpétuité en cas de pleine responsabilité, et trente ans si l’altération était retenue.
La question a fait débat parmi les quatre psychiatres qui ont expertisé l’accusé et plongé dans les 17 kilos de son dossier médical ! Ils sont d’accord sur un point : Babault ne souffre d’aucune pathologie mentale, mais de troubles de la personnalité, causés par une enfance faite de viols et de tortures. Les deux premiers ont conclu à l’absence d’altération, « même si le traumatisme de l’enfance est au cœur de son passage à l’acte » ; les deux autres l’ont retenue pour une raison développée au terme du brillant exposé du docteur Prosper : « Certes, il est responsable de ses actes, mais il sort de trente ans d’enfermement en milieu psychiatrique et de traitement médicamenteux. Il est comme une rivière que l’on endigue. Un jour, la digue saute… »
UN « BOUC ÉMISSAIRE »
Et elle emporte la vie d’une « victime innocente », rappelle M e Varin pour la partie civile. Eugène Berte « n’avait pas grand-chose mais il le partageait pour n’avoir plus qu’un demi-pas grand-chose ». Ainsi qu’il a ouvert sa porte et son frigo à un Babault échappé de l’hôpital psychiatrique. « C’est incroyable ce qu’il était sympa, mais ce jour-là, quelqu’un devait mourir », avait admis l’accusé, lundi.
Mourir « comme un bouc émissaire » selon l’avocat général Pèlerin, qui admet l’altération mais requiert le maximum : trente ans. Parce que Babault a tué « de sang-froid, au comble du narcissisme, pour quitter la psychiatrie ». La tâche confiée à M e Desjardins, en défense, est atypique, comme toute cette affaire : il doit limiter la durée de détention d’un homme qui a commis un crime justement pour aller en prison, et affirme qu’il désire plus que tout y finir ses jours, parce qu’il est fatigué des hôpitaux, où il a mis les pieds pour la première fois à l’âge de 14 ans.
« UNE GRENADE LANCÉE DANS LA FOULE »
Il sait que les jurés peuvent être tentés de mettre définitivement la société à l’abri de celui qui se définit, quand il est dehors, comme « une grenade lancée dans la foule ». M e Desjardins introduit donc l’idée d’une rétention de sûreté, qui obligerait Babault à comparaître devant une commission et à éventuellement à ne pas être libéré au terme de sa peine.
Cette sécurité, les jurés l’ont choisie, tout comme ils ont choisi de juger autant le meurtrier que l’enfant martyrisé. La seule réaction de Babault à l’énoncé du verdict fut une crainte, non pas de la détention mais de ce qui pourrait la suivre. « La psychiatrie ? » a-t-il murmuré, comme on parle avec terreur d’un fantôme.
1er juin

Pour Babault, c’était trente ou vingt ans

Mercredi soir, la cour d’assises de l’Oise a condamné Christophe Babault, 48 ans, à vingt ans de réclusion pour le meurtre d’Eugène Berte, 61 ans, le 30 janvier 2015 à Clermont. Babault s’était échappé de l’hôpital psychiatrique de Fitz-James et avoue avoir choisi sa victime au hasard, dans le seul but de quitter la psychiatrie, et de partir en prison.

Vingt ans ? Le quantum de la peine a surpris avocats et magistrats, tant les pronostics, dans la salle des pas perdus, pendant les trois heures et demie de délibéré, tournaient plutôt autour de 25 ans. Or, si Hélène Tortel avait prononcé cette peine, elle aurait tout simplement été dans l’illégalité (ce qui, pour une présidente de cour d’assises, fait mauvais genre, convenons-en).

En cause : l’article 362 du code de procédure pénale. Christophe Babault encourait trente ans de réclusion pour assassinat avec altération de responsabilité. Or l’article dispose que « si le maximum de la peine encourue n’a pas obtenu cette majorité (NDLR : six vois sur neuf), il ne peut être prononcé une peine supérieure (…) supérieure à vingt ans de réclusion criminelle lorsque la peine encourue est de trente ans ». Concrètement, tous les chiffres entre trente et vingt étaient interdits, ce qui limite rudement le libre arbitre des jurés.

Outre que cet article est difficilement compréhensible, il est méconnu des juristes eux-mêmes. Il y a quelques années, une avocate générale d’Amiens avait ainsi requis une peine interdite (25 ans), avant de réaliser sa bourde pendant la suspension d’audience et de réviser sa requête à la baisse.

Plus près de nous, dans un dossier où interviennent les avocats amiénois Ghislain Fay et Guillaume Combes, devant la cour d’assises des Ardennes, un président a commis la bourde que Mme Tortel a su éviter mercredi : en avril dernier, il a condamné, pour meurtre, un homme à 22 ans de réclusion. Depuis, la machine judiciaire se demande comment recoller les morceaux…

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