
Mon ami Cyril Cohen, directeur de l’agence régionale Picardie de la Sacem, 5, rue Lamarck, à Amiens, m’a convié, il y a peu, à me rendre dans les locaux de la fort utile société pour y rencontrer Olivier Pillon, responsable de la communication, des relations externes et de l’action culturelle. L’homme venait de Strasbourg. Il a sous sa coupe dix délégations réparties sur le territoire Nord-Est. Son travail consiste à piloter la communication des délégués régionaux. Il procède également aux expertises des dossiers culturels, valide les partenariats culturels (concerts, festivals, rencontres, etc.) tout en tentant de mettre en valeur les artistes régionaux. Grâce à un budget dévolu, il aide aussi à la professionnalisation des musiciens, auteurs-compositeurs, qui le souhaitent. Olivier Pillon annonça qu’une réunion aurait lieu avant la fin de l’année à Amiens; elle sera destinée aux artistes qui s’adonnent au hip-hop et à l’électro, musiques qui à la faveur des samples, empruntent des extraits d’œuvres déjà existantes. D’où les difficultés pour la déclaration des œuvres. «Aujourd’hui, les auteurs-compositeurs peuvent déclarer leurs morceaux à partir de leurs téléphones portables», explique Olivier Pillon. Ce fut à cet instant précis que tout me remonta. Je me revis à l’âge de 17 ans. Je jouais dans des groupes de rock et de blues. Je tentais de composer. Mon cher beau-frère Bernard, qui avait fait toute sa carrière à la répartition des programmes au siège de la Sacem, à Neuilly-sur-Seine, bien sûr, me conseilla avec talent. Mais à l’époque, ce n’était pas si simple. Il fallait fournir des partitions. J’écarte les brumes du temps qui passe; je me revois arpenter la rue du Faubourg-du-Temple, à Paris, pour y trouver l’adresse de la chambre occupée par Muller, un copain de Tergnier, pianiste émérite, calé en solfège. Mon but: lui apporter une cassette sur laquelle se trouvaient mes cinq morceaux enregistrés à la va-vite du haut de ma Gibson Lespaul Deluxe. (L’avais-je déjà ou jouais-je encore sur mon Ellie Sound, une copie SG achetée chez Victor Flore en 1972?) Je revois Muller, souriant, en compagnie de Marie-Pierre sa petite amie de l’époque, fraîche et mignonne comme les Ternoises savaient l’être en ces fins de Trente glorieuses. Me revient le titre d’un des morceaux: «Le Boogie du ressort» que j’interprétais sur les scènes de l’Aisne et qui fut repris sur un 45 tours par mes copains Bacchus, gang de blues sudiste de Saint-Dizier, en Haute-Marne. «Le Boogie du ressortt» doit toujours figurer dans quelque catalogue de la Sacem à Neuilly, où, grâce au talent de Muller et à la complicité de Bernard, mon beau-frère, je parvins à faire protéger; ce boogie en douze mesures, hérissé de paroles légèrement salaces et un tantinet machistes (les chiennes de garde n’existaient pas encore et les filles avaient de l’humour et de la compréhension à partir de l’instant où on savait s’occuper d’elles) me rapporta, un peu plus tard, plusieurs centaines de francs. Car c’est aussi ça la Sacem: la protection, la redistribution des droits, le conseil. C’est tout ça que j’em chez la Saçaime.
Dimanche 9 juin 2019.
L’article Pourquoi j’em la Saçaime ? est apparu en premier sur Courrier plus.