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Elles écrivent l’histoire de la plus grande librairie amiénoise

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Françoise Gaudefroy et Anne Martelle sont à la tête de la plus grande librairie indépendante de la ville : Martelle. Cette institution, connue de toutes les générations amiénoises, a été fondée par leurs parents en 1957. Aujourd’hui, les deux soeurs mettent tout en oeuvre pour la faire perdurer. Une bataille de chaque instant qu’elles mènent avec passion et combativité.
Crédit photo : Fred Haslin

 

L’ enseigne est installée depuis des années en centre-ville, à l’angle des rues Albert-Catoire et des Vergeaux. Il y a eu d’autres points de vente ?

Françoise : Oui, il y a eu deux autres boutiques avant celle-ci. La première (de 15 m2) était située sur le boulevard de Saint-Quentin, en face de la Cité scolaire. La légende raconte d’ailleurs que cette boutique a ouvert le jour de ma naissance.
Anne : Nos parents ont ensuite ouvert une autre librairie (de 90 m2) dans la rue Léon-Blum, en 1962, avant de fi nalement ouvrir ce magasin (de 1000 m2) en 1974.

Vous viviez ici à l’époque ?

Anne : Oui, nos parents ont toujours vécu sur place, ils vivaient au-dessus du magasin.
Françoise : D’ailleurs c’est une chose qu’on s’est empressées de ne pas reproduire. Personne ne vit
ici aujourd’hui.

 

Librairie Martelle

Vous avez tout de même passé quasiment toute votre jeunesse ici, juste au-dessus de la librairie, quels souvenirs en gardez-vous ?

Anne et Françoise : Il y a une nuit qui nous a particulièrement marquées. C’est celle où nous avons
retrouvé le caïman (sourires) dans un sac. À cette époque, il y avait un coin maroquinerie dans la
boutique, elle était tenue par l’enseigne Lafarge. Et monsieur Lafarge était un passionné de reptiles.
Ce jour-là, il avait organisé une exposition avec un caïman et d’autres animaux dans le coin maroquinerie. Nous, le soir venu, on a voulu aller revoir le petit caïman. Mais il n’était plus dans le
terrarium ! Du coup, on a commencé à le chercher partout et on l’a finalement retrouvé dans un des
sacs. Il était tombé dedans. On lui a fait un câlin et on est remontées.

En vivant ici, vous aviez accès à des milliers d’ouvrages, en avez-vous profité ?

 

Crédit photo : Fred Haslin

Anne : C’est vrai que le côté positif de vivre ici est qu’on pouvait se balader dans la librairie à toute heure. On avait le temps de lire tous les livres qu’on voulait. Surtout adolescentes car avant, la littérature jeunesse ça n’était pas vraiment ça. Il n’y avait pas toute l’offre qu’il y a aujourd’hui. C’est d’ailleurs ce qui nous a poussées, en 2013, à doubler notre espace jeunesse. Notre offre va désormais des nouveau nés aux adolescents. Cette offre est aussi le reflet de notre volonté première : être une librairie où tout le monde peut entrer sans craindre de jugement, une librairie qui n’est pas élitiste et qui s’adresse à tous. Je pense que nous avons réussi ça.

Françoise : Et puis si les enfants n’entrent plus dans les librairies, ils n’emmèneront pas plus leurs propres enfants et finalement… nous serons tous nourris avec des écrans.

Votre boutique s’adresse à tous mais vous avez tout de même conscience que Martelle est une véritable institution à Amiens ?

Anne : Si les gens la voient comme ça, tant mieux… mais nous, ce n’est pas comme ça que nous le ressentons. Chaque jour, il faut bosser pour exister. L’économie du livre est si fragile… Et le marché est de plus en plus compliqué. Quand l’enseigne est arrivée en centre-ville, il n’y avait que trois chaînes de télé. Les gens lisaient beaucoup plus. Ils avaient aussi plus de librairies indépendantes.
Désormais, il y a de grandes chaînes et surtout, il y a Internet et Amazon.
Françoise : Et Internet a développé des effets pervers pour tous les commerces. Certaines personnes se rendent désormais dans les boutiques pour essayer des vêtements ou accessoires, profitent des conseils des vendeurs et se rendent ensuite sur Internet pour acheter l’article !
Anne : Heureusement pour nous, en France, depuis 1980, le prix du livre est fixe. Grâce à ça, les librairies indépendantes peuvent continuer d’exister.
Françoise : Mais cela reste l’un des marchés les moins rentables.
Anne : Et où l’on peut tout à fait disparaître par inadvertance.

 

Crédit photo : Fred Haslin

Pourtant, vous avez toutes les deux décidé de poursuivre l’aventure ?

Françoise : Oui, mais pas au même moment. Moi, je suis arrivée assez jeune. Et au départ c’était juste pour donner un coup de main à mon père. À cette époque-là, il avait une autre société de vente en gros d’articles de papeterie. Mais un jour, il y a eu un incendie. Tous les documents administratifs sont partis en fumée, c’était très compliqué, il avait besoin d’aide. Et puis finalement… je suis restée et j’ai repris la direction de Martelle en 1992.

Anne : Moi je suis arrivée deux ans plus tard, en 1994. Avant cela, j’ai travaillé pendant 7 ans à Radio France Picardie avant de m’occuper de la communication de l’orchestre de Picardie. Et puis finalement, la librairie avait la volonté de développer les rencontres entre auteurs et lecteurs, et comme la communication était mon domaine, j’ai rejoint la librairie. Aujourd’hui, je me charge aussi des nouveautés. Je suis également au directoire du Syndicat des librairies indépendantes et présidente,
pour l’année, de la Commission de Liaison Interprofessionnelle du Livre.

Depuis le départ de vos parents, le magasin a beaucoup changé. Comment s’est déroulée cette évolution ?

Anne : En 2005, nous avons mené une réflexion sur la perception que les gens avaient de la librairie et de son métier.
Françoise : Cette année-là, nous avons décidé de recentrer notre activité sur le livre, la papeterie et les jeux. Nous nous sommes séparés des disques et de la maroquinerie et nous avons créé une deuxième enseigne, Léonard, pour tous les loisirs créatifs. Et finalement, une fois séparées, les deux activités se sont mieux développées.

Et en 2007, vous vous êtes attaquées au relooking complet de la librairie…

Anne : Oui et tout a été dessiné en interne par les salariés (au nombre de 40). L’aménagement actuel est l’aboutissement d’un travail collaboratif. De cette façon, chaque salarié se sent bien dans la librairie.

Vous avez déjà beaucoup oeuvré pour cette librairie, espérez-vous transmettre le flambeau à vos enfants ?

Françoise : deux d’entre eux, mes fils, nous épaulent déjà dans la librairie. Il y a Romain qui est directeur général de Martelle Pro-MFR Mobiliers, de Léonard et depuis peu de la librairie. Et Guillaume qui est community manager et responsable de la communication digitale pour l’ensemble des entités.
Anne : Mais pour autant, cette transmission familiale n’a jamais été un enjeu. Si ça reste dans la famille c’est bien. Si ça reste une librairie indépendante c’est bien aussi.

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