La fin du monde (en trinquant), Krassinsky. Editions Casterman, 232 pages, 25 euros.
1774. Dans l’empire de la très sainte Russie (enfin, pas si sainte que ça…) de Catherine II, l’astronome Nikita Petrovitch se rend compte qu’une météorite va s’écraser dans les prochains jours dans la région de Vanavara, en Sibérie, au risque de tuer les habitants qui résident là. Il tente d’en informer sa souveraine qui, agacée, décide que ce sera lui qui, s’il est si sensible au sort de cette bande de moujiks, ira les prévenir. En plus, le savant un brin misanthrope se voit contraint par son ami le chancelier Troubeskoy d’emmener avec lui Ivan Polansky, un jeune arrogant inculte qui est surtout le fils de la maîtresse du chancelier ! Et ce n’est que le début des ennuis pour Petrovitch, qui va vite se rendre compte qu’en plus d’être des “bouseux”, les villageois risquant de recevoir la météorite sur leur tête sont de fieffés brigands.
Jean-Paul Krassinsky continue sa croisade contre la bêtise humaine, brillamment entamée avec son précédent album, l’irrésistible et brillant Crépuscule des idiots. Il poursuit également dans la veine de la bande dessinée animalière avec un réel succès.
Ses personnages ici, acquièrent d’autant plus d’expressivité et de profondeur qu’ils se fondent avec leur animal-fétiche. Petrovitch en cochon renfrogné, Catherine II en marmotte sévère, Polansky en une sorte de chien lévrier, le chef des brigands en raton laveur, etc. L’ambiance de la Russie rurale de la fin du XVIIIe siècle est également bien restituée. Et le duo d’anti-héros, qui ne manque pas de personnalité, fonctionne bien.
Mais la charge se fait moins incisive et pertinente que dans le Crépuscule des idiots. Une fois posés les personnages, la satire sociale se délite un peu entre romance et aventures, glissant parfois vers le vaudeville ou la comédie paillarde. Et la tension initiale se dilue dans des préoccupations bien plus pragmatiques. Ce qui n’enlève cependant rien à la beauté des planches, dont le travail à l’aquarelle crée une belle atmosphère tamisée, et au plaisir pris à suivre les tribulations drolatiques ces deux anti-héros si romanesques à leur manière.
Enfin, comme le conseille le sous-titre, avec un petit verre de vodka, ça passera encore mieux. Vashe zdorov’ye !
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