Mojo Hand, Arnaud Floc’h. Ed. Sarbacane, 112 pages, 19,50 euros.
On ne dira jamais assez ce que la musique pop, rock, soul, rap et autres rejetons doivent à la communauté noire des Etats-Unis: tout ou presque. Des générations de musiciens, l’une après l’autre, ont posé les bases de la musique moderne: le storytelling, les motifs rythmiques et les couleurs musicales les plus universelles… Bien souvent sans avoir jamais pris la moindre leçon de musique. C’est du plus profond de leur âme que remontait ces mélodies.
Lorsque Wilson Darbonne échange un alligator contre deux guitares sur un marché, le vieux pêcheur du sud est loin de ces considérations. Il est encore plus loin d’imaginer à quel point ses deux vieilles pelles à six cordes vont infléchir la vie déjà pas ordinaire de ses deux fils, Cleytus et Bellerophon.
Le premier est aveugle, le second blanc comme un linge, pas franchement raccord avec le reste de cette famille du Bayou. Dans l’Amérique des années 1920, accueillir un enfant blanc peut valoir les pires châtiments aux “gens de couleur”. Sa femme, folle de rage l’a prévenu. Mais Wilson a trouvé ce jeune blanc bec abandonné en pleine nature après une tempête; il n’a pas eu le coeur de le laisser à son triste sort.
Dix ans plus tard, lorsque les deux garçons se mettent à la guitare, ils n’en connaissent que les partitions que leur père leur ramène de la ville. Rapidement, Cletus montre un talent que jamais Bellerophon ne pourra égaler…
Après les très réussis Derniers jours d’une courte vie – Emmett Til, Arnaud Floc’h nous replonge dans le sud ségrégationniste des Etats-Unis. Une époque cruelle, où l’inéquité était la règle. Cet aller-retour dans le passé nous rappelle le chemin parcouru sur le plan de la discrimination et celui qui reste à faire. Faut-il le rappeler, un des tubes musicaux de 2018 outre-Atlantique – This is America, de Childish Gambino – racontait, mille fois hélas, une histoire pas si différente de celles que traitent Arnaud Floc’h.
L’article Du blues black & white avec Mojo hand est apparu en premier sur Courrier plus.