
Un matin de confinement. Un de plus. Michel Jonasz sur France Inter interviewé par Nagui dans son émission La Bande originale. J’ai toujours aimé cet artiste que j’avais vu sur scène, pour la première fois, à la Maison des arts et loisirs de Laon. C’était au milieu des années 1980.



L’un de ses choristes était l’une de mes connaissances : Luc Bertin, ancien pianiste-chanteur des Brothers McDaniel’s, groupe axonais mythique qui nous faisait rêver. Outre Luc, il comptait en son sein le multi-instrumentiste Slim Batteux, Jean-Pierre Josse, alors bassiste qui deviendra l’un des meilleurs guitaristes de la région. Au tout début des années 1970, Luc et Slim tenteront leur chance à Londres où ils séjournèrent pendant plus d’un an. En pleine période du British blues boom, ils côtoyèrent les plus grands combos de l’époque. Revenus à Paris, ils devinrent musiciens professionnels, s’imposant sur scène et en studio, auprès de William Sheller, Eddy Mitchell, Dick Rivers, François Bernheim, etc. Luc joua même avec Alice, deuxième formule, au côté d’Alain Suzan (chant, basse, orgue), de Paul Scemama (guitare, chant), de Ian Jelfs (guitare; le compagnon de la délicieuse Valérie Lagrange) et de Doudou Weiss (batterie). Alice: un groupe qui me faisait rêver car poétique, subtile et inspiré. En particulier celui de la première formule avec les très doués Jean-Pierre Auffredo (hautbois, flûte, violon, guitare, chant), Sylvain Duplan (basse, guitare, chant) et Bruno Besse (guitare) à qui je rachetai, en 1973 l’amplificateur Bandmaster Fender que je possède toujours et qui sonne du feu de Dieu! Le parcours de Luc et de Slim nous faisait rêver, lui aussi, nous, apprentis musiciens ternois. À la faveur du concert de Jonasz à Laon, Luc eut plaisir à faire un tour dans une ville où il avait vécu adolescent. Il mena à bien un pèlerinage dans un bar de la ville basse où il avait ses habitudes et dans lequel il n’avait pas remis les pieds depuis une quinzaine d’années. Rien n’avait changé; le vieux barman le reconnut et l’interpella en ces termes: «Bonjour Luc! Ça faisait un petit moment qu’on ne t’avait pas vu. Tu n’étais pas souffrant?» Sur France Inter, Michel Jonasz évoqua son enfance à Drancy, sa famille d’immigrés juifs hongrois et l’importance, pour eux, de la musique tzigane; on sentait derrière ses paroles tout le poids de la souffrance d’un peuple martyrisé par les nazis. Pudeur extrême et émotion qu’il dissimula en évoquant son amour du jazz, de la chanson et du blues.

Ému à mon tour, il me vint à l’esprit d’aller dire bonjour à mes deux vieilles maîtresses qu’en temps habituel, je délaisse faute de temps: ma guitare Gibson Lespaul Deluxe, achetée en Belgique en 1973, et ma basse Höfner Contemporary, achetée en 2008 pour accompagner ma chérie d’alors, la chanteuse et comédienne Lou-Mary, au sein du groupe les Scopytones. Un dernier détail: j’ai mis en photo la plus âgée, Deluxe de son prénom, ce qui risque de me causer de graves ennuis avec mon Höfner, la poulette jalouse comme une tigresse. J’ai donc pris la décision que la photographie de cette dernière figurerait sur l’article de mon blog Les Dessous chics. Elles sont chacune folles de mes doigts qui leur procurent, disent-elles, beaucoup de plaisir, et refusent de me partager. C’est affreux; encore plus que les filles, mes guitares me rendront fou.
Dimanche 29 mars 2020.
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